The American Dissident: Literature, Democracy & Dissidence


Poèmes critiques

Et de voz diz et de voz rimes,/ Que chacuns deüst conjoïr./ Mais li coars nes daingne oïr/ Por ce que trop i at de voir.// […de vos poèmes et de vos vers,/ auxquels chacun devrait faire fête./ Mais le couard ne daigne les écouter/ parce qu’ils contiennent trop de vérité.] 
          —Rutebeuf 13th C

 

Cela fait quelques années maintenant que je cesse d'envoyer mes poèmes écrits en langue française aux revues québécoises.  Steak Haché a fermé ses portes !  Dommage !  Après six ans de recherche, je suis enfin arrivé à trouver un éditeur pour mes poèmes archi-critiques du milieu littéraire québécoise non pas au Québec mais aux USA.  Voir Where a Poet Ought Not/ Où c'qui faut pas.  Voici donc quelques poèmes critiques tirés de ce receuil.
          A propos, "Poème anarchiste numéro 1837" a été publié dans Le Québécois, journal indépendantiste (12/02).  Evidemment, le rédac'chef de ce journal ne l'a pas compris.  Le poème critique l'orthodoxie des indépendantistes qui peut être aussi bornée que celle des fédérasses.  Oui, il y en a parmi les indépendantistes qui pensent eux aussi en rond.  Dommage !  C'est sans doute le talon d'Achille de Falardeau.  Plus tard, le rédac'chef s'est fâché contre moi parce que je lui ai demandé de m'envoyer un petit exemplaire du numéro où a paru le poème.  C’était l’accord préalable qu’il a décidé d'annuler. 
          Pour "Article 4: Casser l'administration," ce poème, qui critique le Festival International de la Poésie de Trois-Rivières, a été écrit exprès pour ce Festival et lu devant son chef organisateur Gaston Bellemare en 2001.  On pourrait le qualifier de poème kamikaze au service de la vérité.  Il attaque directement le Festival et ses mandarins.  C’est donc un poème qui a risqué quelque chose de la part du poète (e.g., futures invitations, cachets et publications).  Moi, j’ai pris la décision les yeux grands ouverts de risquer car à mon humble avis c’est le devoir suprême d’un poète.  Et effectivement, Bellemare ne m’a plus jamais invité !  Et la cohue de poètes invités m’a vite ostracisé.  Pour eux, je n’existe pas pantoute. Honte à eux !

Poème anarchiste numéro 1837 :
pour vous faire réfléchir… et peut-être vous faire chier
car contre toute orthodoxie qui rend amblyope et doit tôt ou tard
avoir recours aux mensonges et hypocrisies

Pour ma part je refuse la peur. Si au Québec on ne peut plus exprimer une opinion contraire sans crainte de subir l'ostracisme, c'est qu'il y a quelque chose qui ne va pas. […] Il y a parfois un état d'esprit qui m'inquiète en ce pays.
          —Raymond Lévesque, A bon entendeur, salut !
Pour le poète nu, révolté et indépendant
le poème qu'il ne faut pas écrire ou lire,
c'est justement celui qu'il lui faut écrire ou lire
au défi des sous-entendus interdits
et pour vous, citoyens et peut-être même poètes,
rendre un peu plus éclaircis.
Touche pas à notre société S.J.B. ni au PQ ni à René !
Touche pas à notre Gaston Miron ni à « Speak White » !
Touche pas à notre Gérald Godin ni à Gilbert Langevin !
Touche pas à notre Pierre Perrault ni à Gilles Vigneault !
Touche pas à notre Couac non plus, tabarnak !
Sois comme nous autres ou tais-toé !
Touche pas à nos béni oui-oui endoctrinés !
Touche pas à notre rectitude politique aveuglée !
Touche pas à nos grands chefs parfois plébéyens !
Touche pas à nos idées fixes toujours manichéens !
Touche pas à nos questions toutes faites ni aux réponses trop nettes !
Sois comme nous autres ou tais-toé !
Touche pas à notre câlisse de fête nationale !
Touche pas à nos saint-chrêmes de festivals !
Touche pas à nos cibouères de commanditaires !
Touche pas à nos maudites subventions qui nous permet de t'écarter !
Touche pas non plus à nos niaiseux portant crisse de party card !
Sois comme nous autres ou tais-toé !
Touche pas à « Mon Pays », hymne sacré pure laine !
Touche pas à nos bêtes noires ni aux autres haines !
Touche pas à nos partylineurs, qu'importe leur couleur !
Touche pas à nos poètes fonctionnaires de la machine tributaire !
Touche pas à nos maisons d'éditions ou nous autres te refuserons débat et discussion !
Sois comme nous autres ou tais-toé !
Pour le poète nu, révolté et indépendant,
qui ne possède ni permis d'auto-préservation,
ni protège-coquille d'orthodoxie, mythe ni légende,
que la proscription sur toute critique des icônes soit annulée
au nom de la vérité qui seul met sur le bon chemin de la liberté !
Et que la démonisation en Mordicus Rictus de tous ceux qui osent offenser cesse !
Qu'ils critiquent ! Qu'ils critiquent ! Que nous tous critiquons !
 
Article 4:  Casser l’administration*
La poesía morirá si no se la ofende hay que poseerla
y humillarla en público después se verá lo que se hace.                                                                                             
               —Nicanor Parra
J’suis ni untel ni machin chouette
Je ne suis que la mauvais’ tête
Qui met des vers où c’qui faut pas…
                —Léo Ferré, "La Mauvaise graine"
 
Ce qui suit est écrit en hommage
à Rutebeuf, Villon, Lorca, Borduas et compagnie.
Pour eux et pour la ville de Trois-Rivières,
j’assume responsabilité comme poète et maudit.
Quelle administration casser, Léo,
celle de la liberté ou des Ponts et Chaussées,
celle du français, langue de Céline,
ou celle de la justice, du pinard, ou de la bonne mine ?
Qu’est-ce qu’il y en a partout dans tous les secteurs
de nos diverses sociétés, mises en place pour nous dissuader !

Mais pour nous poètes rassemblés aujourd’hui,
il n’y a que l’Administration de la Poésie qui nous gère.
Cassons-la donc avec une volée de pensées,
mettant l’affaire dans le collimateur,
car n’est-ce pas le travail du poète engagé
de renverser les monuments pour voir de près
les vers va-de-bon-coeur qui peuvent y grouiller !
Bien vrai que vous m’avez invité, mes vers,
bien que vers à l’envers,
ce qui vous met tout de même dans complicité.
Mais soyez rassuré que je ne suis ni ingrat ni mal élevé,
ben pas tout à fait.

Car je dois dire, Monsieur le Président de la Poésie, que
le vers n’est pas forcément manifestation touristico-grégaire,
souriant et amoureux comme cherchent à en faire  
vos plaques ancrées aux murs de cette ville en affaires.
Nos plus grands poètes n’ont-ils pas sûrement crié
et hurlé leurs quatre vérités ?
Pour les maudits inconnus, s’il vous plaît, mettez aussi
des vers hargneux dans les coins de rue et une Boîte à la véracité
toute en face de celle du cœur déjà placée.
Invitez également le public à prendre une marche de contestation
après celle déjà agencée de goût bon.
Et que veut dire au juste le terme “reconnu,” chose requise
pour être poète-vedette dans vos séances nocturnes “voix off” ?
N’est-ce pas une mesure douteuse de grandeur, car
qui nom de Dieu sont les juges qui jugent les juges qui jugent
et qui les ont déposés sur place de haut tribunal des belles ?
Nous sommes poètes, tabarnak, “voix on!”Nous ne sommes pas fonctionnaires littéraires soumis
au pouvoirs éditoriaux ou plébiscites vox populi.
Nous devons poser des questions et mettre toutes autorités
au défi, y compris et surtout celles de la poésie !
Car le ver va tout seul et ne demande pas l’appuie des pouvoirs,
ni de leurs conseils culturels de service.
La poésie n’est pas concours ni prix et ne vient pas de l’école
ni de la mairie, mais naît de l’âme et tout seul si besoin.
Comment, poètes, avons-nous donc admis que le Maire,
cravaté à la mode homme d’affaires,
mette bouquet et éloges au Monument au Poète inconnu,
qui aurait pu être, comme quelques-uns d’entre nous,
maudit, n’est-ce pas?  
Comment, poètes, avons-nous fléchi au point d’avoir permis
que nos vers soient transformés en vers de terre vendus
dans la rue des Forges par la Chambre de Commères
pas tellement branchée sur les vers forgés contre
les maux de nos sociétés ?

Nourrir un poète et vous pensez forcément qu’il ferme sa gueule ?
Et Rutebeuf, vous lui jetez des os, puis quoi ?
Plus de complaintes ?  Plus de maudite « griesche d'hiver » ?
Mais enfin que c’est triste d’après observation
car vous avez tout à fait raison…

Article 4a:  Casser les prix littéraires !
Article 4b:  Casser le vedettariat de poètes !
Article 4c:  Casser le mot ‘diatribe’ !
Article 4d:  Casser la courtoisie et PARLER FRANC, nom de Dieu !

*Le titre de ce poème est emprunté de “La Méthode” de Léo Ferré.

Vers prêt-à-porter
Quand la poésie devient industrie telle qu’aujourd’hui
produit vanté par un quelconque ministre de la Culture précaire
Ou par une chambre de commerce de simples fonctionnaires
il vaut mieux suivre un cours de hautes affaires
que de s’immerger dans les écrits de Villon ou de Baudelaire.
Il en résulte, oui, toute la panoplie manufacturière
car il en faut des directeurs, trésoriers, et commanditaires,
des marketeurs et d’autres managers,
des bilans de ventes et d’achats,
des prix pour récompenser ceux qui font la meilleure diversion,
ainsi que des fonds pour faire de la prospection. 
Il faut concevoir une marque et engendrer une image,
enfanter un marché et créer des personnalités
pour ne pas trop déranger les consommateurs habitués. 
Il en faut une armée de représentants penseurs en rond,
obéissants et cravatés qui ne cherchent qu’à plaire à la populasse 
ainsi que des festivals pour ramasser les invités en ateliers molasses
bien que surtout pour en faire de la publicité voilée. 

Pour l’invendable, ces vers qui critiquent le commerce de vers
Et ces quelques poètes qui osent marcher à contre-courant
Pas d’illusions d’immortalité scribouilleuse
Aux oubliettes, bye-bye, et ciao forever.

 
Dialoguer avec les poètes: haines et dénonciations
...no me diste palabras, Patria, para llamarte
sólo con nombres de oro, de polen, de fragancia...
me diste con la leche y la carne las sílabas
que nombrarán también los pálidos gusanos
que viajan en tu vientre,
los que acosan tu sangre saqueándote la vida.
            —Pablo Neruda, « Serán nombrados »
Toi, tu m'écris en tant que réaction
à ma lettre « irrépondable »
que tes « haines et dénonciations
ne visent jamais les individus
mais les postes qu'ils occupent. »
Moi, je te réponds quoique je sache bien
que d'essayer de te persuader
de l'importance de dénoncer
les individus corrompus
sera tout à fait en vain.
Pourtant n'oublions pas Villon-
et oui, que serait son Grand Testament
sans les individus visés, démasqués et dénoncés ?
N'oublions pas Neruda-
et oui, que serait son Canto General
sans les individus visés, démasqués et dénoncés ?
N'oublions pas non plus Solzhenitsyn-
et oui, que serait son Gulag archipel
sans les individus visés, démasqués et dénoncés ?
Et n'oublions surtout pas les procès de Nuremberg !
Moi, comme tu le sais bien,
je choisis de suivre cet exemple
et d'attaquer les individus en chair et en os
pour leur comportement vicieux
ou du moins pas du tout honnête ni juste
car ce n'est pas tellement le poste qui est mauvais,
mais plutôt les gens pourris-
sans courage, sans conscience, sans principes-
qui les occupent.
Malheureusement, comme déjà dit,
ce n'est pas dans mes moyens de te convaincre,
du moins sans examiner
ce qui t'aurait amené à la formation de ton optique…

La liberté de la parole, mon tabarnak!
Ou parler courtois ou parler franc?
Parler automate poète ou parler poète maudit?
C'est pas ça la question?

Poètes, qu'est-ce qui vous arrive
pour que vous permettiez,
sans même rouspéter un tantinet,
qu'un beau parleur d'animateur déclare
que lui, c'est notre “maître“ pour la soirée?
De la courtoisie par-dessus de la poésie?
Mais notre défunt Ferré n'a-t-il pas déclaré:
“Ni dieu, ni maître!“
Cependant vous n'avez même pas sursauté!
“Je t'interdis de lire!“ m'a-t-il ordonné,
ce maître de poètes autocrate,
bien que tout ce que j'ai fait
c'était lui déclarer
que j'allais insulter les poètes invités…
moyennant une bonne dose de vers vrais.
C'est mauvais ça, critiquer?
Tout ce que je vous ai imploré,
c'était de choisir comme moi, je l'ai déjà fait:
“Parler courtois ou parler franc,
qu'en dites-vous, poètes?“
Mais vous n'avez rien dit du tout
comme mémères de la bonne société
vous êtes tout simplement restés bouche bée.
Oui, j'ai prononcé des mots forts
contre ce maître de show.
Mais c'est comme ça chez les poètes,
de la hargne dans l'âme, n'est-ce pas?
Et si je l'ai appelé “connard“
après sa coupure de la liberté de la mienne,
est-ce raison de vous fermez la gueule
en complète obéissance stalinienne?
Que moi j'ai choisi d'être poète et non pas mouton poli,
que j'ai manifesté un peu d'émotion crue devant vous,
cela constitue une infraction à vos règles de bienséance?
Que je ne me comporte pas toujours comme bon automate,
ça me rend tout à fait indésirable au Festival de Hauts Poéticrates?
Ben oui, Léo, comme tu as dit il y a fort longtemps:
“La poésie fout l'camp Villon! y'a qu'du néant sous du néon…“
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