The American Dissident: Literature, Democracy & Dissidence


Festival International de la Poésie de Trois-Rivières

La marchandise culturelle c'est, au détail, le spectacle, et le spectacle, en gros, c'est le festival! Il fallait qu'il soit énorme pour que son pouvoir de domination soit total et qu'il résiste à la critique (quand il y en a…, mais je n'en vois pas). On met en scène dans un espace public la consommation de la culture, ordonnée, filtrée, sous contrôle; on décide pour vous du contexte et du contenu de la consommation…
            —Robert Lévesque, « La dictature du divertissement », L'actualité, 15 sept. 2001

Gaston BellemareNos singes se gargarisent d'expressions pompeuses pour faire la pute devant le Léviathan. Cette culture subventionnée à l'os n'attire que des courtisans. Je demeure en Mauricie. Trois-Rivières est une capitale de pauvreté et de chômage au Canada. Elle se gratifie aussi du titre de « Capitale de la poésie » depuis qu'une bande de poètes illettrés, ignares et incultes ont têté suffisamment de subventions de l'État pour organiser leur grand guignol: le Festival international de la poésie. Pour que le Festival soit international, on a fait venir les putes poétiques de tous les pays: Machintruc, professeur de telle université subventionnée par l'État français; Speedy Gonzales, analphabète de gauche subventionné par l'État mexicain; Abdou Troulala, sous-ministre d'une dictature africaine et poète à ses heures, etc. Tous nos professeurs de Cégep y étaient, évidemment... Pour qu'un recueil de poésie devienne un best-seller, on n'a qu'à s'entendre entre professeurs de littérature: je mets ton livre au programme de lecture obligatoire, au Cégep de Trois-Rivières, et tu feras la même chose avec le mien au Cégep de Rimouski... On peut bien avoir choisi un singe pour les journées de la Kultur...
            —Gaétan Bouchard, Trois-Rivières, Quebecoislibre.org, no. 90

Ce qui suit est écrit par G. Tod Slone, ami du Québec et poète-rédac'chef de The American Dissident. Si vous trouvez, cher lecteur, quelque chose qui ne soit pas franc dans cet écrit, dites-le-moi ! Il faut absolument ouvrir la voie au débat et à la discussion pour mettre fin à l'hypocrisie et aux mensonges. Je suis très ouvert et ne veux qu'écrire la vérité ici comme ailleurs. Vive le Québec libre, indépendant, et surtout ouvert à la vérité quoi qu'elle soit ! Cet écrit sera réédité périodiquement pour tenir en compte les remarques de ceux qui osent remarquer.
Si vous n'aimez pas Robert Lévesque ni Gaétan Bouchard, d'accord. Mais lisez du moins ce qu'ils disent là-dessus ! N'y a t'il pas dans leurs propos quand-même une petite lueur de vérité ? Si vous n'êtes même pas d'accord, vous êtes sans doute membre aveugle de, et aveuglé par, l'establishment… et sans aucun espoir. Le suivant constitue le journal que j'ai pu tenir au Festival International de la Poésie de Trois-Rivières, 2001. Ce n'est pas pantout dans mes vœux de me brouiller avec le president du festival, Gaston Bellemare, ni avec ses sous-ministres ni avec ses poètes vedettes de prédilection, mais comme poète, je dois choisir par-dessus tout la vérité et non pas l'amitié, le piston, les piasses ni quoi que ce soit. Au début, je n'ai pas compris pourquoi le président du Festival, Gaston Bellemare, m'a invité car je l'avais envoyé un courriel durement critique le mettant au défi, et mon expérience dicte que jamais ceux qui sont au pouvoir ne relèvent de tels défis. Pour eux, le silence, c'est-à-dire la non-réponse, se trouve toujours préférable. Voici mon courriel suivi de celui de Bellemare, qui a en fait relevé mon défi bien qu'aujourd'hui (deux ans plus tard) il refuse catégoriquement de communiquer avec moi. Oui, pour lui, je n'existe plus. Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? Faut lui demander !
A ton festival, tu invites des poètes beatniks, poètes outlaws et sans doute toute la kyrielle de poètes sauf, bien sûr, ceux qui critiquent les poètes, leurs cercles, vers anodins, lauréats, festivals, journées mondiales, mois nationaux, etc. Je te répète mon offre de lire des poèmes ou textes critiquant les poètes à ton Festival, gratis et en français s'il le faut.
Je ne t'ai pas oublié. La lettre d'invitation viendra d'ici 2 semaines. Je t'offrirai une chambre à l'Hôtel des Gouverneurs et un per diem pour tes repas et quelques bières. Mais je t'invite pour lire tes poèmes. Il n'y a ici aucun discours sur la poésie, seulement des lectures de poèmes. C'est ce que le public désire. Si cela te convient, alors je t'enverrai la lettre.
Que c'est dommage sinon curieux que le discours sur la poésie soit carrément interdit à un festival international de la poésie ! De plus, que c'est triste que la poésie se définit en ce qui « le public désire », ce qui veut dire, en réalité, en ce qui les gars au pouvoir exigent ! Du moins le prix Nobel Camilo José Cela n'est pas dupe : « La mayor parte de la literatura no despierta a nadie. La literatura es anestesiante, está al servicio del establishment. »
Je découvre durant le Festival combien de pouvoir Bellemare possède en ce qui concerne la littérature québécoise et, par ce fait, la censure littéraire soit directement soit indirectement. Il n'est pas surprenant que ce journal de son Festival, par exemple, ne soit pas accepté pour publication par des revues joliment et chèrement produites et excessivement subventionnées comme Exit, Moebius, Arcade, Estuaire, L'inconvènient, La Libertè, Lèvres urbaines, Soirs rouges ou Art Le Sabord, vu les connections Bellemare et l'évident manque de liberté de la parole dans les cliques littéraires régnant au Québec ou ailleurs. C'est cela qui est abominable. Même si Bellemare est bon gars et juste, c'est toujours effrayant car il est en position de censurer à droite et à gauche, et je suis convaincu qu'il le fait. Du moins, le critique espagnol Juan Goytisolo (El País) n'est pas dupe non plus : « Creo que ahora existe una censura, un miedo al Gobierno o a los grupos mediáticos, una censura comercial del dios mercado, que me parecen mortíferas. »
Il est tout à fait honteux que quasiment tous les poètes invités au Festival semblent vouloir bien s'autocensurer. Porter volontairement la muselière, est-ce poète cela ? Pourtant il y a besoin urgent de critique dure et ouverte vis à vis du Complexe Industriel Académico-Littéraire qui comprend les salons de livres, maisons d'éditions, revues littéraires subventionnées, etc. A ce sujet, il faut vraiment souligner combien les poètes invités déçoivent y compris et surtout les poètes vedettes invités comme Yves Préfontaine, Roger des Roches, Bernard Pozier, Yves Boisvert, Claude Beausoleil, Guy Marchamps, Denise Brassard et Bruno Roy. Evidemment, ils ont grande peur de perdre leurs contrats-recueils et subsides et de ne plus faire partie de la clique moutonnière de privilège. Pour eux, la vérité doit toujours prendre sa place au siège arrière du bus en ce qui concerne la littérature. Les poètes vedettes sont pareils dans n'importe quel pays. On les nourrit bien et eux se ferment la gueule. Le poète W. H. Auden nous donne bon conseil: « Prohibit sharply the rehearsed response/ And gradually correct the coward's stance/ All I have is a voice/ To undo the folded lie. » Et comme lui, c'est tout ce que je possède aussi.
En tant que poète révolté et responsable, je m'en suis chargé donc de faire de la critique. C'est ce que je fais dans la vie. Je critique là où d'habitude on n'ose pas et je sais très bien ce qui en résulte comme conséquence : l'ostracisme pur et simple. « Mais bout de tabarnak, de saint-chrême, de bâtard, de calvaire, de crisse! » (Pierre Falardeau), nous devons exposer l'hypocrisie et le mensonge dans le secteur littéraire ! Moi, je le fais. Qu'importe les maudites conséquences de ne plus jamais être invité au Festival International de Trois-Rivières de la Poèsie ni de ne jamais trouver d'éditeur pour publier ma poésie ! Appelez-moi, si ça vous fait du bien, égoïste, nombriliste, coléreux ou simplement pas du tout grégaire. J'ai l'habitude des épithètes dénigrantes lancées par les poètes lâches qui n'osent jamais.
28 septembre
Vendredi. Installé à l'hôtel des Gouverneurs, je me lève à sept heures du matin, prends un bain chaud, puis descends pour demander un rasoir, mais reçois des indications pour le dépanneur le plus près. Ils sont un peu antipathiques au comptoir. Ca se voit peut-être dans ma gueule que j'ai passé les cinq dernières années comme chômeur et que j'ai tendance à la critique ou peut-être plus vraisemblablement ils savent tout simplement que je ne paie pas la chambre. Je prends des exemplaires gratis du Nouvelliste et de La Presse. Je remonte. La chambre est superbe; le lit, une merveille. Chez moi, je me couche à même la moquette. Je vois la piscine de la fenêtre et le drapeau bleu-blanc québécois qui flotte dans l'air. Je regarde la tévé au lit et remarque que les présentateurs québécois portent les cheveux un peu comme caniche toutou. Ciel couvert mais bonne fin de semaine prévue. On annonce le Festival de la Poésie à la télévision. Pas mal, pas mal ! « Les artistes et l'armée s'immobilisent. » « Céline revient sur scène. » Elle abandonne son année sabbatique pour chanter pour les deux tours démolies de Manhattan. Mais moi, j'aimerais voir ces artistes millionnaires mettre des uniformes et marcher carrément vers le front s'ils sont pour la guerre.
Au quartier général de la poésie établi dans une salle à côté du hall à l'hôtel où tous les poètes invités sont logés, on me traite quasiment comme de la royauté. Maryse Baribeau, coordinatrice du Festival, me semble très amicale. Elle prend ma photo pour me faire un badge officiel. Elle m'offre deux sacs remplis de deux chandails du Festival, deux posters, et une bonne dizaine de recueils et revues de poésie. Qu'est-ce-ils sont généreux quand-même ! Puis, elle me donne un chèque pour 445$ canadiens. « Je suis en état de choque », lui dis-je. Bellemare ne m'avait pas dit qu'il allait me payer en plus. Il est aussi présent et déclare avec fierté : « Nous, on paie les poètes! » Maryse m'informe qu'il y aura un deuxième chèque au milieu de la semaine. Pour la première fois de ma vie, je me trouve poète officiel. Que c'est bizarre, mais après toute une vie comme poète tout à fait anonyme, j'aime pas mal quand-même !
Maryse m'a aussi filé dix petites cartes-déjeuner pour les dix jours du Festival. Je m'assois à côté de quelques poètes dont François Montmaneix, français et président de la société François Mauriac, Willey Verhegghe, belge qui bosse au ministère belge de la culture, Beverley Matherne, louisianaise qui est prof d'anglais à l'université du Michigan, et un couple du Luxembourg, lui poète journaliste (Jean Portante), alors qu'elle non-poète modiste. La carte donne droit à quatre rôties, un croissant, quelques petits morceaux de fruits, un jus d'orange et du café. Je fais des tartines avec du beurre de cacahuètes et de la confiture. Après le déjeuner, nous allons tous à la caisse Desjardins à côté de la bibliothèque municipale pour toucher nos chèques. Nous sommes quasiment comiques ou carrément honteux, poètes salivant nerveusement à l'idée de toucher nos chèques ! Beverley prend une photo collective de nous brandissant nos gages de poètes à l'intérieur de la banque.
Je me promène un peu. J'aime bien être seul et suspect. Je repère une femme assise sur un banc avec une grosse tasse à la main. Je m'approche d'elle, prends une pièce de 25 et la lui tends comme si j'allais la mettre dans sa tasse. Elle me fait la gueule. Je lui dis que je plaisante. Mais elle n'apprécie pas la plaisanterie. C'est une espèce de sévérette-jeune femme sévère. Ca sent la pâte à papier partout… que c'est fort! C'est aussi mauvais qu'à Baie-Comeau. J'avais oublié cette odeur du Nord. J'achète un pain au Panetier pas loin du restaurant Le St-André. Il est tard dans l'après-midi. La jeune boulangère sympa me dit qu'elle a eu un reste de pâte et l'a fait avec. « Tant mieux », je lui dis. « Une et 25 », me répond-elle. Tranquille, je m'assois sur un banc pour bouffer le pain. « Belle journée d'automne ça, hein ? » annonce un gars qui passe. « Oui, effectivement », lui dis-je.
Une femme sort tout d'un coup de chez elle et annonce qu'elle s'appelle Carole. Je lui prends en photo et lui demande si elle est droguée. Elle me dit qu'elle est sur méthadone. La Métadonna, je pense, comme titre d'un poème possible, car elle est quasiment poème incarné. Elle me montre toutes les marques d'aiguille sur les deux bras, puis me montre le nombril tout d'un coup levant sa robe, exposant sa culotte et les deux percées autour de son nombril tout rougi. Elle me dit qu'il s'est infecté et elle a dû prendre des antibiotiques. Elle reste là figée, la culotte et nombril exposés en pleine journée dans la rue. Curieuse expérience. Elle bavarde et ne veut pas que je parte. Elle me raconte qu'elle aime Patricia Kass, Vanessa Paradis et Depardieu car elle me prend bizarrement pour un Français à cause de mon accent un peu européen. Finalement, je m'échappe. Une pancarte annonce: « Appartement à louer-$185 le mois. » Pas mal, pas mal ! En revenant à l'hôtel, un type clodo pas vieux me regarde méchamment et gueule: « TABARNAK ! TABARNAK ! »
Le premier événement prévu, c'est l'Ouverture Officielle du Festival à la maison de la culture. Tous les poètes, plus ou moins, y sont présents. Je remarque tout de suite le pinard à volonté. J'en bois et examine la partie artistique du Festival. Il y a des photos en noir et blanc pas terribles. Puis il y a de grands tableaux modernes avec phrases banales écrites dessus-pas terrible non plus. Il y a aussi une exhibition de livres faits maison. Le maire donne son discours, puis Bellemare le sien, puis d'autres les siens, puis les prix décernés et le grand lauréat désigné. C'est pas très poésie tout cela, mais sans doute oblige… comme la 'noblesse' d'ailleurs. C'est pas très long, donc très bien planifié, car ces choses-là peuvent être pas mal pénibles.
Après il y a le souper-poésie où encore du pinard à volonté! C'est ben ça, la fête ! Il y a de petits sandwiches, etc., mais moi je me concentre sur la boisson. J'ai tellement envie de boire. Les poètes lisent l'un après l'autre… plutôt genre lyrique, surtout pas critique. Un poète lit un texte d'amour en regardant sa femme de l'autre côté de la salle. Elle lui sourit tendrement. C'est quand-même un bit much. J'attends le divorce… avec plaisir.
Une Québécoise jase dans mon oreille sans cesse. Après un bout, je ne comprends plus rien de ce qu'elle raconte. Trop de bruit, puis encore du silence. Je regarde les poètes qui écoutent le poète qui récite et tous ont l'air d'en souffrir. Que c'est mortel ! Puis une grosse poétesse prend le micro et nous dit que son poème n'est pas un poème mais un « message dans une bouteille. » Il y a grand applaudissement. Mais que c'est banal ! Le poète célèbre Charles Bukowski sans doute aurait été tout à fait d'accord : « I'd as soon somebody handed me a lead pipe instead of a poem, it wouldn't be as boring. »
Oh là, chuis ben trop critique, moi ! Je rencontre une jolie femme très aimable de Radio-Canada. Je lui dis qu'elle se ressemble à Céline Dion. Elle aime un peu la comparaison mais dit qu'elle n'aime pas Dion car elle est pas mal « plastique. » Puis une autre poétesse lit un poème gueule morte avec une sérieuse intensité bien que ce ne soit pas grand-chose du tout. En dépit des mauvaises lectures, il faut dire que c'est une fête archi-généreuse.
29 septembre
Samedi. J'ai mal dormi, quasiment passé une nuit blanche à cause de l'alcool imbibé. J'ai bu comme un trou. Pas mal, pas mal. Mais j'ai voulu faire un tour au Zénob. Trop fatigué tout de même. J'essayerai ce soir. Jeanne arrive peut-être. Quelle belle matinée dehors! Les quartiers me rappellent les années 40. Les bâtisses à deux étages, duplexes boîtes de briques, vérandas, escaliers en fer forgé, la papeterie exhalant sa fumée blanche en nuages artificiels, voile pas très anodine sur la ville… et pas un seul mot là-dessus de la part des candidats pour la mairie. Quelle odeur ! C'est comme si j'avais déjà fumé un paquet de clopes. Je ne pourrais jamais m'établir ici à cause de cela. Mais quelle lumière cristalline claire si surréelle, et les ombres étendues au manque d'humidité absolue. Dans les quartiers ouvriers, je marche, mon badge de poète affiché dans la poitrine. Curieux, n'est-ce pas ? Tout d'un coup, c'est Carole et son chum. Elle a l'air nettement plus sobre. Son chum est vraiment gentil et m'offre un recueil de poésie écrit d'un taulard local, Denis Larosée. Je les prends en photo. Elle me dit qu'elle doit assister à une réunion pour alcooliques anonymes. Lui part. Elle m'accompagne au marché de fruits et légumes au terminus par l'hôtel Delta. Puis on se dit au revoir et je la regarde s'éloigner à bicyclette. J'achète des tomates et concombres de petite taille.
Au restau Le Lupin, j'ai ma première lecture. Personne n'y est sauf sept autres poètes lecteurs. Nous lisons nos textes tout de même… sans atomes crochus. Il y a trois poétesses un peu enfantines dont une Roumaine, une Suédoise-russe et un médecin-psychanalyste argentine. J'ai ouvert la porte pour les trois et les trois ne m'ont même pas remercié. Chuis quoi, moi, poète doorman ? Les textes lus ne sont pas très passionnants. Moi, je ne lis pas mes meilleurs mordants. Pourquoi les gaspiller sur des poètes à gueules pas mal fonctionnaires ? Il y a un Français qui se ressemble un peu à Philippe Léotard. Je le lui dis. Il répond qu'il a connu très bien Léotard et qu'il a bu avec et a même écrit la musique pour son album Léo Ferré. Je me demande pourquoi donc il a l'air tellement pince-fesses. Le groupe entier pue du classicisme. Pourquoi ils ne questionnent jamais toute la marde qu'on publie et pourquoi eux ils arrivent si facilement à se faire publier ? Je leur dis que c'est la seconde fois de ma vie que je lis en public. Ils sont complètement étonnés. Je leur dis que personne ne m'invite car chuis ben trop critique. Ils ont l'air de ne pas du tout comprendre. A l'hôtel des Gouverneurs je me trouve tout d'un coup face à face avec le poète Yves Boisvert à qui Bellemare m'a présenté antérieurement. Il est accompagné d'une belle gonzesse. Nous n'avons pas grand-chose à nous dire l'un à l'autre. Il est plutôt taciturne et, je pense, légèrement embué de son vedettariat mineur.
Plus tard au soir, je lis au Zénob dans le cadre de l'Amnistie Internationale et du Pen club. Les six poètes lecteurs ont dû choisir quelques poèmes d'un poète qui a passé du temps en prison pour délit de parole. Je repère Bellemare comme spectateur qui me salue, mais pas plus. Lui et moi, ce n'est pas évidemment atomes crochus non plus. Les lectures ne sont pas mauvaises cette fois-ci. Celle de Boisvert est bonne. Il lit un poème d'Hubert Aquin, séparatiste, en langue anglaise qui souligne la situation linguistique de l'époque. Puis c'est mon tour. Je lis avec force de conviction, gueulant dans le micro les mots que j'ai traduits de ce poète courageux Kenule Saro-Wiwa, assassiné par le gouvernement du Nigeria. L'ambiance du bar Le Zénob est excellente pour les lectures de poésie. Bellemare ne commente pas sur ma lecture. Peut-être qu'il est tout simplement trop occupé… ou n'a pas apprécié la conviction profonde et engagée que j'ai manifestée. A propos, où sont les poètes maudits engagés… sans muselière ? Je n'en vois pas ici au Festival. Mais c'est quand-même pas surprenant… c'est peut-être même prévu. Trop de poèmes lus ne sont pas fondés dans le quotidien ni dans l'expérience. Trouver des poètes qui voient l'hypocrisie est facile. Mais en trouver qui la combattent ouvertement est quasiment miraculeux. Qu'est-ce que c'est au juste un lauréat, poète ou autre? Je me mettrais à côté d'un poète engagé n'importe quand au lieu d'avec un troupeau de jolies poétesses (ou pétasses) qui chantent leurs piteux amours perdus ou présents, alors que la plupart de ces poètes, surtout ces européens, préfèrent draguer les gonzesses. Aujourd'hui, la littérature est devenue un lieu archi-commun. C'est du déjà vu, du déjà dégueulis et, pour le poète espagnol Gabriel Celaya, du déjà écrit: « Maldigo la poesía concebida como un lujo/ cultural por los neutrales/ que, lavándose las manos, se desentienden y evaden./ Maldigo la poesía de quien no toma partido hasta/ Mancharse. »
Un festival, qu'est-ce que c'est au juste? C'est surtout la promotion commerciale d'une ville, n'est-ce pas ? Celui de Trois-Rivières perpétue le mythe du poète comme distinct être sublime qu'il faut admirer alors que la plupart des invités ne sont que communs, c'est-à-dire sans courage, sans idéaux, et sans aucun soif pour la vérité. Un poète doit être beaucoup plus qu'un homme ou une femme à recueils, éditeurs, traducteurs et lectures publiques. Un poète doit être solitaire et lutteur pour la vérité. Un poète ne doit pas faire des révérences devant les présidents de festivals de poésie, et pourtant c'est précisément ce que la plupart des invités semblent faire. C'est déjà raison pour ne pas avoir des festivals, n'est-ce pas ? Peut-être c'est pour cela que je me trouve tellement motivé cette semaine. Et toutes les manigances dans les coulisses pour se faire publier encore des recueils ! C'est plus le poème qui compte, mais le nombre de recueils publiés. Que c'est triste ! La quantité über la qualité. Les poètes forment des cliques sécurisantes et confortables comme si phénomène naturel. Ils se coagulent. Plus que d'autres poètes, les poètes français et peut-être aussi québécois grandissent aux fers littéraires pour devenir prisonniers de règles d'écriture archi-rigides. Très peu d'entre eux arrive à s'y échapper.
Guy Marchamps, poète à temps partiel comme tant d'autres, me raconte dans sa librairie de bouquins d'occasion, que Bellemare n'aime pas du tout la poésie de contestation. Il me relate que l'année dernière on a organisé un contre-Festival et que Bellemare s'est beaucoup fâché au point d'interdire à 'ses' poètes d'y lire. Marchamps me dit qu'il est animateur au Festival, donc payé, et que Bellemare s'est fait dictateur du Festival et s'entoure de poètes-serfs. Je lui dis que son histoire m'intéresse beaucoup et lui demande de m'écrire un petit article là-dessus pour The American Dissident, petite revue que j'édite… mais pas question car Marchamps aime bien parler dans les coulisses et non pas ouvertement. Que c'est facile d'acheter un poète aujourd'hui ! Et lui est auteur de « Poème engagé » qui va paraître dans une anthologie prochainement. J'aime bien ce petit poème, mais comment, bon Dieu, puis-je le citer maintenant que je connais son auteur. Comment séparer le poème du poète ? Pour rendre le dernier vers du poème encore plus vrai et percutant, il faudrait évidemment le transformer un tantinet en "dans les mains d'un politicien ou d'un poète (genre bouche cousue)."
Poète
quand les mots n'ont plus de sens
ne les abandonne pas
ils pourraient tomber
dans les mains d'un politicien
30 septembre
Dimanche. Jeanne arrive vers dix heures du matin. On s'engueule tout de suite sur qui sait quoi. Elle pique sa crise en pleine rue par le fleuve. Mais éventuellement on se calme. Je lis à midi au restau Le Lupin encore une fois. Cette fois-ci il y a un autocar de femmes du troisième âge. Oh là là, que lire, bordel ? Ben, je sors mes poèmes les plus anodins. Heureusement que j'en ai avec moi car je n'avais aucune idée avant de partir de quoi consisteraient les spectateurs. Je lis « Hécatombe » qui est sur la tragédie des deux tours démolies de Manhattan. Les dames semblent apprécier plus ou moins. Elles sont sympas. Ben, ça marche oké. Du moins, le petit restau est comble cette fois-ci.
A cinq heures Jeanne et moi, nous marchons à pied jusqu'à l'hôtel Delta où je dois lire encore une fois. C'est mieux l'ambiance… plutôt bar que restau bourgeois. Mais encore je ne lis pas mes meilleurs poèmes. Roger des Roches, grand lauréat du Festival, lit. Mais c'est pas grand-chose, bien que pas trop mauvais. Je lis « Pantoute niaiseux » et « Monsieur Toni Truant. » Les spectateurs rigolent bien. Parfois c'est bien faire quelque chose de drôle pour contrebalancer les lectures archi-sérieuses de tellement de poètes archi-sérieux. La sœur de Maryse Baribeau s'approche de moi et me félicite largement. Elle est très aimable et animatrice. Cela me touche car elle ne le fait pas aux autres poètes et me semble être une femme très sincère sans un os menteur dans le corps.
Vers 11:30 Jeanne et moi, nous allons au Zénob. C'est là où je lis pour la première fois « Article 4 : casser l'administration » avec toute la force de mon corps, mon cœur et mon âme. C'est mon meilleur poème car il critique le Festival lui-même. Donc, il risque. C'est ça ce qui est important : le risque. Juste avant le poème, je cite le poète chilien Nicanor Parra pour l'appuyer : « La poesía morirá/ si no/ se la/ ofende/ hay/ que/ poseerla/ y humillarla en público/ después se verá/ lo que se hace. »
Les spectateurs rigolent ça et là où il faut, puis m'applaudissent grandement, nettement plus qu'ils ont fait pour les autres poètes. Mais Jeanne me dit que quelques poètes présents ont tout de même fait la gueule. Fuckem. C'est un grand moment pour moi qui n'ai pas du tout l'habitude. Puis l'animateur barbichu annonce le poète bulgare Franck Pavloff comme poète dont le père a été anarchiste, impliquant que moi aussi chuis anarchiste. On critique un peu et on te qualifie tout de suite d'anarchiste ! Le Bulgare me regarde (chuis déjà assis) en s'approchant du micro, et dit : « Tu m'as balayé le chemin! » Et ben oui, quand-même. Je prends cela pour compliment… puis chuis pas sûr car lui m'a pas mal snobé à l'hôtel et ailleurs. Malheureusement et incroyablement, il lit quelque chose pas du tout contestataire mais mortel de lyrisme banal. Je ne sais même pas de quoi il s'agit quand il termine. Et lui, cette année, va être publié par les Écrits des Forges, maison d'édition sponsor du Festival.
Une Québécoise vient à ma table pour me féliciter. Puis une autre femme me demande si j'écris directement en français. Je lui dis que parfois, mais plutôt en anglais bien que ce poème-là je l'ais écrit directement en français. Réjean Bonenfant m'arrête, se présente, me serre la main et la garde longtemps. Il me demande si je me rappelle l'avoir écrit l'année passée. Effectivement, je m'en souviens vaguement. « Chuis content que Gaston t'a invité », m'a-t-il dit gentiment.
1 octobre
Lundi. Au lieu de prendre l'autocar avec les autres poètes étrangers, Jeanne et moi, nous prenons sa voiture pour aller à Québec. Il fait très beau. On prend la route scénique. A Québec, on fait les bouquineries d'occase et prend un café sur la rue Jacques Cartier dans le quartier St-Jean-Baptiste. Le soir, on bouffe des crêpes délicieuses sur la rue St-Jean car Aux Anciens Canadiens est comble et on a oublié de réserver une table.
« Tu étais la sensation au Zénob hier soir, Tod! »m'a félicité Willey, poète belge, nous tous revenus à Trois-Rivières. On est dans le hall de l'hôtel et devant un tas d'autres poètes. Il me serre la main. Tout d'un coup, toute cette attention. Je n'en reçois jamais aux States. « Ben oui, il ne parle que de toi pendant toute la journée », me dit François, poète français. Plus tard un éditeur-poète marseillais, Gérard Blua, qui travaille avec Bellemare, me dit : « Je n'ai jamais rencontré un américain comme toi, aussi engagé. Et j'en ai connu pas mal en France, mais surtout du type homme d'affaires. » Et apparemment, c'est ce type-là qu'il préfère en réalité. Il me dit qu'Alex Susanna, poète catalan, lui a raconté à plusieurs reprises que j'ai été la « sensation. » De toute façon, tout ça ne va pas me monter à la tête. Je sais très bien que je n'obtienne rien de ce Festival comme contrat, publication ou quoi que ce soit. Et si on m'invite de nouveau l'année prochaine, je serai très, très étonné.
2 octobre
Mardi. Aujourd'hui je lis au restau du coin prolo Bouff'elles devant des analphabètes. Ils nous font membres honoraires de leur Ordre des Maringouins. Ils nous expliquent qu'un seul maringouin, c'est pas grand-chose mais un nuage, c'est affreux. Ben, ils ont raison et nous offrent des pins. C'est pas mal tout ça. Bonne idée d'y avoir des lectures. C'est quand-même touchant d'écouter les lectures de ces maringouins courageux. Jeanne repart pour Concord.
Rien de neuf, mais j'ai tellement envie de casser les lectures avec un peu de feu. Le poète Gérard Blua me dédie son poème « Poète maudit. » Ca aussi c'est un honneur… mais je me demande pourquoi « maudit » n'est pas chose courante chez les poètes ? Comment décrire ceux qui ne le sont pas ? Être poète devrait forcément être maudit ! Qu'est-ce que j'aimerais bien savoir le nombre des 150 poètes invités qui sont administrateurs/ fonctionnaires de maisons d'édition ou d'agences culturelles ! Après tout, ce festival définit bon gré mal gré ce que c'est qu'un poète et j'ai peur que la définition ne soit que fonctionnaire littéraire courtois.
Je fais la connaissance de Rita Dupont dans le parc en face de la bibliothèque municipale. Elle est jeune femme de 43 ans. Elle me chante Rutebeuf en plein air. C'est pas mal. Elle veut dîner avec moi, mais je lui dis que je n'ai pas faim. Je lui dédie un exemplaire de mon esquisse de Villon. Je lis à 19h30 au café Morgane mais celui d'à côté de l'université en dehors du centre. C'est oké, mais les lecteurs et auditeurs ont besoin d'une transfusion de feu. Le vieil éditeur-poète irlandais John Deane est présent … tout sérieux et snobinard. Après, je bois quelques bières chez moi seul pour me préparer et me délier la langue un tantinet. Je marche au Zénob vers 10 heures où les lectures prévues. Il y a beaucoup de monde comme d'habitude. Boisvert est là bourré comme d'habitude. Auparavant je lui avais demandé un petit poème pour The American Dissident et lui m'a montré un poème sur la tragédie de Manhattan. Je pense qu'il croyait que c'était trop dur pour moi. Mais je lui ai dit que je le publierais. Il l'a repris et m'a dit qu'il le perfectionnerait et me le redonnerait. Je lui ai filé des exemplaires de la revue et aussi de mon recueil. Cette fois, il me salue. Je lui dis: « Écoute, je me suis approché de toi deux fois et ça me suffit. Si tu es trop grand pour moi, soit! » Mais il me dit qu'on lui a prévenu d'attendre-« de la boucler »-parce que « c'est quand-même une tragédie. »
La session de lectures « voix off » commence et c'est vers une heure du matin que je lis « Cervelles sautées à l`américaine. » La foule aime beaucoup. Les gens rigolent pleinement et applaudissent amplement. Boisvert s'approche de moi, prend mon bras, me regarde droit aux yeux et fait signe avec son pouce (thumbs up!), gros sourire dans sa gueule ridée. Pas mal, pas mal. Au deuxième tour de lecture, je lui rends hommage en racontant comment j'ai découvert ses recueils dans une librairie d'occasion à Montréal et que de tous les poètes québécois il m'a surtout retenu l'attention. Après la lecture d'autres poèmes durs également bien reçus, le barman me file un verre de bière et me dit que c'est de la part de Boisvert. Puis c'est Boisvert au micro qui me dédie un poème: « Je suis aliéné par un monde… » Pas mal tout ça. Puis il vient à ma table avec une jeune femme qui me dit qu'elle voudrait m'interviewer pour Radio-Canada vendredi soir. Plus tard, Boisvert me dit: « C'est un honneur ça. Elle n'invite pas tout le monde. » Je lui demande: « Ben, pourquoi elle m'invite donc? » Il me répond: « Parce que t'es bon. » Beau compliment quand-même. Puis l'animateur demande si j'ai une réplique pour Boisvert. Je lis donc « Nation de chiens » et « Fléau hors contrôle. » Les spectateurs aiment beaucoup. Puis l'animateur demande à Boisvert s'il a une réplique pour Monsieur Tod Slone, et c'est devenu notre petit show.
Willey me félicite comme d'autres poètes d'ailleurs. A mon dernier tour, je fais le con, trop de bière dans la gueule. Que veux-tu? Je fais un grand 'V' avec les bras et demande: « Qui c'est? Qui c'est? » Ils ne savent pas. Je hurle: « VILLON, bon Dieux ! VILLON ! » Je récite les premiers vers de « Ballade des pendus » puis je quitte le micro. C'est la fin. Un autre poète, un jeune, qui a très bien lu avec beaucoup de pêche, Jean-Sébastien Larouche, de Montréal, s'approche de moi pour me féliciter. J'aime bien ce type. Il est vif d'esprit et sympa. Quelle nuit ! Quelle ivrognerie ! Ben, c'est un bar quand-même !
Je me trouve seul au milieu de la ville à 3:30 du matin, épaves déambulant me passant ça et là. Ben, peut-être moi aussi chuis épave déambulant qui passe…

 
Le 3 octobre.  Mercredi. « Poètes? » Je demande à deux femmes portant appareils photos dans le parc. L'une me dit: « Non, seulement photographes étudiantes. » Je leur dis: « Ah, photographes! En ce cas-là, vos papiers s'il vous plaît ! » Elles me demandent: « Ben, cartes d'étudiant? » Incroyable, mais elles me croient représentant des autorités locales. Chuis vieux, ça explique tout. Je leur dis que je plaisante. Elles rigolent bien.
Chuis dans un hall archi-corporatiste du Nouvelliste, petit journal de Trois-Rivières. Ils ne sont pas très souriants. Chuis là avec ma pancarte: POÈTE A VENDRE. Ils ne comprennent rien. Ben, les poètes non plus. Je n'aurais sûrement pas dû venir mais il a fallu faire mes démarches de poète et maudit quand-même ! Le journaliste envoyé en bas pour m'accueillir me dit que chuis le premier poète à venir sur place comme ça. Ben oui, le premier poète indépendant du Festival ! Je vois tout de suite qu'il n'a aucune intention de toucher à mon affaire, qu'il va m'écouter... mais pas plus. Lui est habillé en pantalon cuir noir, blouson cuir, boucle d'oreille, cheveux longs... en parfait guidoune de la presse muselée… ce Roland Paillé, qui me file sa carte. C'est tellement autoritaire cette machine du Festival ! Et le journal, c'est copie conforme du journal de chez moi, The Concord Journal. Ils ne publient pas de controverses, seulement des histoires de foot, de politicards locaux ou de dossiers de presse lus et approuvés par les mandarins du Festival. Eh ben, oui, c'est le « Leader de l'information régional » ! Quand la presse et les politiciens tiennent la littérature dans leurs mains, c'est effrayant. Tout journaliste devrait être forcé de prendre un cours de l'histoire de la presse libre car c'est l'endoctrinement, pas forcément religieux, qui baise l'humanité.
C'est tellement affreux ce qu'on peut découvrir chez les poètes. Le journaliste bavarde avec moi une bonne demi-heure. Au début, qu'est-ce qu'il avait les fesses bien pincées ! Il me renseigne que tous les poètes de l'année dernière ont reçu une lettre de Bellemare les interdisant de ne pas attendre ce festival alternatif mis sur place par des poètes contestataires non invités sous menace de ne plus être invités au Festival officiel. Tous les poètes l'ont obéit, bien sûr comme petits chiens et rats. Et le poète Yves Boisvert? Faut lui demander.
Que c'est ben honteux ! Je dis au journaliste qu'à Trois-Rivières la presse n'est pas libre. Lui ne comprend pas du tout ce que je veux dire, bien sûr. Eux ils ne comprennent jamais la réalité qui les entoure, qui les colle à leurs peaux molles de fonctionnaire du Système ! Je devrais écrire un petit essai sur la presse libre. Je devrais également ouvrir une école pour poètes qui manquent de la pêche quand ils lisent leurs textes… sans doute qu'il y a beaucoup de fric à gagner !
Que ces poètes sont mous quand-même. Je ne suis pas du tout fier de faire partie de leur gang. Tout de même, je les maintiens à bonne distance avec mes vers pas très comme les leurs et ma pancarte: POÉSIE ENGAGÉE. Poètes, poètes, poètes... qu'est-ce que vous avez dans le sang… de l'argent, de la peur de ne pas être réinvités l'année prochaine, de ne pas trouver un autre éditeur ? Oh là là, poètes qu'est-ce qui vous êtes arrivés ? Comment vous êtes devenus une voix si minuscule ? Levez-vous, bon Dieu ! Gueulez, merde ! Poètes, vous me faites chier ! Vous mâchonnez comme si de rien, comme vaches sacrées pas du tout enragées. Vous êtes gentils mais gentils c'est pas poète, ça. C'est pas votre devoir ça, être gentil ! Le poète Paul-Marie Lapointe est tout à fait d'accord ou partiellement car l'un de ces vers se trouve fixé sur la brochure comme ver officiel du Festival cette année. Mais ce n'est pas celui-ci : « Le devoir de la poèsie, sa raison est la Révolte, l'arme essentielle de la véritable Révolution. »
Toujours me promenant en ville, chuis entré par curiosité—c'est pas ça être poète?—dans les petits locaux de Vagabond, « revue de vérité mauricienne. » L'éditeur tout de suite déblatère un long discours interminable sur la loi de Dieu (il est créationniste), qui doit avoir primauté sur la constitution canadienne. Il me montre un exemplaire de la constitution et son préambule, et n'arrête pas de dégueuler mots après mots. Ben du moins, il me file éventuellement un numéro gratis.
Chuis entré dans une friperie. Il y a trois personnes dedans qui me regardent comme chuis de mars... mais j'ai même pas ouvert la gueule ! « Bonjours madame » je dis courageusement. Elle me répond : « Qu'est-ce que je peux faire monsieur? » Je lui dis: « Je cherche un chapeau poète. » Elle me regarde gueule longue et sans comprendre. Je répète : « un chapeau poète. » Le type à côté d'elle dit : « Ah, un chapeau DE poète. » Elle ne comprend toujours pas, mais descend quand-même au sous-sol et revient tout de suite avec un chapeau cowboy en paille. Je lui dis : « Ben, ça fait un peu trop Ste-Tite ça. » C'est étonnant car elle est tout à fait d'accord. Je lui dis : « Ben plutôt un chapeau de jazzman peut-être. » « Un quoi? » Elle répond, puis me montre un gros chapeau mexicain de corrida. Je lui dis : « Oh là là, c'est énorme ça. » Toujours la gueule longue, elle s'excuse : « Ben désolé, mais c'est tout ce qu'on a, monsieur. » Je la remercie et sors.
Je pense : merde aux éditeurs à la con! Ils publient tellement de ces recueils à la marde. Donc je les attaque. Ils ont tellement besoin qu'on les attaque. Oh là là, ces poètes ! Quels tas de vendus ! Poètes, poètes, poètes, vous êtes pire que les universitaires, car vous êtes quand-même poètes. Qui vous a mis sur le chemin de la poésie ? Un instituteur quelconque à cause de votre prédilection pour les mots et les fleurs ? C'est surtout pas l'injustice, le mensonge et la corruption qui vous ont transformé en poètes ! Léo Ferré a tout à fait raison : «La poésie est concentrationnaire. Elle n'a d'yeux que pour les fleurs; le contexte d'humus et de fermentation qui fait la vie n'est pas dans le texte. On a rogné les ailes à l'albatros en lui laissant juste ce qu'il faut de moignons pour s'ébattre dans la basse-cour littéraire. »
Il y a une femme de l'autre côté de la rue des Forges. Elle me reluque un peu. C'est sûr que j'ai l'air un peu étrange. Je lui flashe ma pancarte : POÈTE A VENDRE. Elle rigole et dit : « Vous allez lire votre poésie ? » Je lui dis : « Oui. Vous savez que la plupart des gens ne comprennent rien quand je flashe cette pancarte. Je te félicite ! » Elle rigole. Puis tout d'un coup, Bellemare est là devant moi. Il est toujours en train de marcher quelque part… ben 150 poètes, c'est quand-même un gros travail ! Il me dit : « Bonjour Tod, ça va? » « Ben oui » je lui dis « ça va? » On n'a pas beaucoup à se dire effectivement, lui le top fonctionnaire de la poésie et moi simple poète révolté.
La lecture de midi c'est pas mal dans le restau Au Four à Bois. Je lis un poème qui contient par hasard des mots comme tabarnak et crisse de câlisse. L'animatrice sympa m'informe qu'une vieille avait l'air tout à fait perturbé… mais l'animatrice me répète, liberté de la parole oblige ! Blua lit et me dédicace encore une fois son poème, « Poète maudit. » Et lui ne me demandera jamais bien sûr des textes inédits pour sa maison d'édition ! La jeune suédoise Ingalina Lindqvist lit un énorme poème en suédois si mortel comme si éloge funéraire. Puis un autre poète étranger (je ne sais pas qui sait) lit des vers : « Tu es le seul meuble dans l'immeuble de l'éternité. » Puis une autre poétesse étrangère lit (je ne sais pas qui sait) : « J'aimerai prendre le thé avec Colette… » Quand-même, quelle connerie ! En toute évidence, le pays ne fait pas le poète !
A 8:30 du soir, encore une lecture au Zénob. La plupart des poètes manquent sérieusement de la passion dans leurs lectures. Mais moi, je suis très préparé avec pas mal de bière dans le ventre. Je leur raconte comme petite préface à mon texte que je vais lire quelques poèmes que la plupart des poètes présents n'aillent peut-être pas aimer. Je leur dis que je suis tout à fait préparé, et marde! Ils aiment ça quand je dis : et marde ! Je leur dis que j'ai de la marde dans le sang. Ils rigolent pas mal car ils savent bien que je m'amuse bien. Puis, plus sérieusement, je leur lis le suivant:
Quand les poètes ne se trouvent pas au front de bataille mais plutôt dans des sièges confortables, recueils à morts, que c'est dommage ! Car sans eux y a sûrement pas d'espoir pour ce monde déjà pas mal pourri. Que c'est dommage que les poètes pour la plupart trouvent toujours des excuses pour l'inaction et le silence ! Bon Dieu que j'ai ben remarqué tout seul que Le Zénob lui-même centre plus ou moins des lectures de ce Festival se trouve carrément en face d'une grosse statue dégueulasse de Maurice, ce gros vendu aux USA, autocrate québécois par excellence. Mais il y a toujours de l'inaction et du silence. Aux armes poètes a proclamé Léo Ferré pas très convaincu du résultat. Qu'est-ce que je peux faire, moi ? Ben, je peux continuer à exhorter en dépit des moqueries de la part de poètes non engagés. J'édite aussi avec mon propre argent gagné dur comme n'importe qui, CA ! J'ai des dépliants si ça vous intéresse.
Je leur montre un exemplaire de The American Dissident. Ils aiment pas mal que moi étranger sache quelque chose sur Duplessis. La plupart des invités étrangers ne semblent pas savoir que dalle sur le Québec, ni sur sa langue ni sur sa littérature. C'est dommage pour eux… car c'est d'une richesse.
Il y a pas mal de monde quand-même et, pour la plupart, des jeunots, ainsi que le poète du Luxembourg avec sa femme, et Bellemare lui-même. Au dernier moment, je décide de choisir « Article 4 » pour blaster, putain ! Je le lis avec toute ma force. Je l'ai pas mal pratiqué et perfectionné dans la chambre d'hôtel. J'ai mis énormément de temps pour traduire d'autres poèmes et autrement me préparer pour le Festival.
Quatre jeunes hommes s'approchent de moi pour me féliciter après. L'un veut acheter The American Dissident. Mais je le lui donne gratis. Un autre gars veut que je lise ses textes… tout à fait mortels… et je lui dis qu'ils sont pleins de clichés. Ca ne l'embête pas du tout. Mais que dire autrement ? Je remarque que la poétesse française type prof (je ne sais pas son nom) lit avec un peu plus de vigueur au second tour… sans doute à cause de ma présentation… mais toujours les mêmes vers merdiques. Le risque, c'est ben ça, je dis à ce jeunot dont la poésie est clichée à mort. Le risque… si ton poème ne risque rien… c'est un poème sans risque. Chuis resté jusqu'à 11:30. Basta pour la poésie, surtout celle d'amour qui est devenue une poésie tout à fait sans âme et qui ne risque rien du tout. Je me demande si la mondialisation est partiellement responsable pour cette prolifération de poèmes superflus. Il y a beaucoup trop de fumée au Zénob.
4 octobre
Jeudi. Assis au parc en attendant l'ouverture de la bibliothèque, j'observe des gars en train de prendre des photos d'une femme à la gueule crispée de belle conne. Elle se change de temps en temps les fringues. Je suis plus sûr que jamais que je ne ferais pas de contacts genre éditeur ici. Qu'importe ! Le monde de l'édition est une farce tellement moche quand on y pense… mais je m'amuse pas mal. Willey, le Belge, me dit que c'est merdique de lire dans les petits restaus. Et il a raison, ben du moins partiellement. Que ça fait du bien entendre un poète de temps à autre dire ce qu'il pense ! Je ne donne pas beaucoup de mon âme dans ces endroits comme aux restaus Le Lupin, Au Four à Bois ou Le St-André. A ce dernier, l'animatrice nous circule un formulaire :
Nom…..
Nombre de recueils publiés…..
Prix littéraires décernés…..
L'année afférente…..
C'est pas mal car cela résume parfaitement ce que c'est qu'un poète d'aujourd'hui, du moins en ce qui concerne ceux qui sont reconnus et bien vendus. Cette fois-ci je préface mes textes par une mention de mes influences oratoires : Ferré, Pierre Falardeau et Fidel Castro. Il y a pas mal de poètes de la France présents au Festival. Ils sont sympas pour la plupart mais deviennent assez fatigants après un moment car ils ne font que rigoler et plaisanter sans cesse. Leur conversation ne peut pas être plus banale. Ils ne font que draguer les femmes comme s'ils essayent de se montrer qu'ils le peuvent toujours. Les poètes c'est comme un mur... impossible de les percer, ben, pour la plupart. Je suis content de quitter l'endroit seul. Je marche jusqu'au supermarché et achète des bananes, du jus Oasis, et du faux crabbe. Les poètes français ont l'air plus ou moins pas mal friqués et mangent toujours aux restaus.
Je lis Au Four à Bois. Rien de spécial. Comme intro à mes textes, je dis aux spectateurs-dîneurs : « J'en ai lu des tas de poèmes toujours à la recherche d'une petite phrase de sagesse. Mais combien de poèmes ou d'essais d'un écrivain connu bien publié est-ce qu'il faut pour trouver quelque chose d'exceptionnel qu'on peut même citer ? Des centaines ? C'est pourquoi j'aime tellement votre Pierre Falardeau. Mais il faut demander pourquoi il est si unique au Québec. »
Après lecture, je salue une poétesse américaine non-invitée présente au dîner. Elle me dit à l'égard du jeune barbu assis devant elle : « C'est un grand fan de toi. » Oh là là, tous ces compliments ! Je lui file un exemplaire de mon recueil Blackballed Albatross. Lui est tout content et a un accent tellement tabarnaqué que c'est ben pas évident de le déchiffrer. L'Américaine me dit qu'elle veut m'interviewer. Je lui dis certes, mais ça ne se matérialisera jamais. Je parle avec un vieux poète italien sympa, Giuseppe Conte, qui me dit avec une certaine fierté qu'il n'a jamais été président de quoi que ce soit. Il a 55 ans et a eu des liaisons avec deux femmes à Paolo Conte, chanteur célèbre. Puis, je me retire dans ma chambre 223… bière et bière. Je pratique mes textes à haute voix.
J'arrive au Zénob à 11 heures pour ma lecture prévue pour 11h30… pas mal bourré… et merde ! Marchamps est là comme animateur et m'annonce le premier. Merde, il ne m'a même pas averti. Je me présente au micro:
Qu'est-ce que c'est bien ici quand-même ! Dans les restaus c'est aut' chose comme confirme mon ami belge Willey. Ben j'ai lu devant un autocar d'octogénaires l'autre jour. Que lire ? Pas évident du tout. Chuis aller au Nouvelliste aujourd'hui. Le gars, ben le journaliste, ne voulait pas tellement parler avec moi. J'étais pas Bulgare ni Serbe ni Kurde quand-même. Puis, quand je lui ai montré mon texte—le silence total ! Liberté de la parole icitte? Quelle connerie ! Liberté de la parole chez moi aux USA ? Merde ! De toute façon Bulgare ou Américain, tu entres dans une friperie, comme moi je l'ai fait aujourd'hui, et t'es exactement pareil…
Je leur raconte mon histoire de chapeau poète. Il y a Bellemare dans la salle qui répète à plusieurs reprises que je lise mes poèmes. C'est un peu long mon intro, d'accord, mais les gens ont bien rigolé—ben peut-être pas Bellemare. Je lis « Poète non engagé vivant à l'aise dans tous les sens », « Poème pour vendus » et « Dans les viscères du poète. » Ils aiment beaucoup et applaudissent grandement—ben peut-être pas Bellemare. La salle est archicomble. Puis cinq autres poètes lisent tour à tour. Moi, je bois encore quelques bières, puis c'est déjà le deuxième tour. Marchamps m'appelle sans me prévenir et fait une remarque pour me dénigrer un peu, pour me rendre un peu comique. Voyant que Bellemare est toujours présent, je me dis pourquoi pas :
« Ben vous connaissez Lalonde, oui? » je demande à la foule.
« Michèle Lalonde! » dit un spectateur.
« Speak White » dit un autre.
« Ben oui, Speak White » je dis. « Elle, c'est un poète à un poème. Je me suis dit et pourquoi pas moi. Un poète à un poème est nettement mieux qu'un poète à zéro poèmes. Je vais donc relire encore une fois 'Article 4: casser l'administration.' Oh là là, vous allez me dire, pas encore! Ben oui, pourquoi pas? »
Je le lis et c'est long mais les gens rigolent là où il faut, et même applaudissent ça et là durant la lecture bien au contraire de leur silence funéraire quand d'autres poètes ont lu. Un gros succès encore une fois. Bonenfant me dit: « J'ai applaudi comme un fou, Tod. » Il me demande un texte inédit. Je lui suggère « Article 4. » Il est enthousiaste. Y avait aussi la femme de Radio-Canada, Christine Germain, qui me tient une enveloppe avec son invitation et me dit: « Tod, merci d'être vous. » Larouche me félicite et m'offre une bière et un exemplaire de son recueil. Je lui file un exemplaire du mien. Il dit qu'il va m'envoyer un texte pour The American Dissident. Il m'informe qu'on ne l'a presque pas invité car il n'avait qu'un seul recueil publié. Quantité oblige ! Qualité sans importance ! Des jeunes me félicitent. Puis la femme de Radio-Canada me dédie un poème au micro : « Ce poème c'est pour Tod Slone. » Bellemare est toujours là, donc il est au courant du succès de ma lecture. Mais il ne me dit jamais rien sur ma poésie. Je m'approche de lui pour lui dire que c'est quand-même pas personnel ce que j'ai lu, que j'aime bien le Festival et lui itou. Il me répète sa rengaine, souriant quand-même : « Tod ici tu peux dire ce que tu veux. » Ben oui, je pense plus tard, c'est vrai, mais on t'invite plus jamais encore au Festival… c'est pas ça la liberté de la parole ! Mais du moins il n'a pas l'air fâché. Je ne cherche pas à le mettre en colère. Il m'a quand-même invité.
Un vieux poète belge qui m'évite un peu finit par me dire sans enthousiasme ni conviction mais plutôt comme si obligé : « Félicitations ! » Je vois Boisvert et lui demande s'il a encore l'intention de me filer son texte. Il me dit que, oui et « Doute du ciel… mais doute pas de moi! » Et bien sûr, jamais il ne me donnera son poème. Yves, mon gars, je doute plutôt de toi ! Des gens m'abordent pour écrire de petites félicitations sur mes textes dont le suivant:
Mon cher Tod,
Si tu n'y étais pas, où serions-nous? Merci d'être là.
Rita Dupont, illustre inconnue.
Mais au matin j'en trouve un commentaire plutôt négatif… anonyme bien sûr et malheureusement je ne me rappelle pas qui l'a écrit.
A Mr. Slone
Vous n'êtes pas un poète. Vous êtes engagé mais pas surtout pas un poète. Vous émettez un discours critique tout simplement. C'est comme un peintre qui invite des gens à un vernissage et qui n'accroche aucun de ses tableaux.
Cela ne m'embête aucunement qu'on me critique… mais pourquoi donc anonyme ? Et ce genre de réponse est tellement typique. Un poète qui critique, ça ne peut pas être poète. Qu'est-ce que c'est imbécile ! Le poète doit aussi être kamikaze ! C'est ce que j'ai fait. Oui, je me suis offert en sacrifice, merde ! Je dis à Marchamps que sa réaction à ma poésie est plutôt commune. Ceux qui critiquent sont traités de clowns par ceux qui n'ont pas le culot ni les couilles. Il rigole.
 
Le 5 octobre. Vendredi. Rien de neuf… un peu la routine maintenant… mais toujours joyeux. J'ai une bonne gueule de bois. Je lis Au Four à Bois encore une fois. Je lis « Corbeau beau corbeau. » François et un autre français, qui va faire une anthologie de poètes québécois (je lui ai suggéré de choisir un Québécois non pistonné par la machine littéraire), m'accordent une ovation se mettant debout. François me dit : « Qu'est-ce que j'aime ce poème. Que c'est touchant. » Ben, c'est sympa. Mais il ne dit rien sur mon « Article 4 » bien sûr, car c'est un poème qui dérange. A table, un Québécois dit à un autre : « Toi, tu lis de ton dernier recueil ? » C'est étonnant le nombre de recueils que produisent ces poètes. Yves Préfontaine (60 ans) est à table. Marchamps m'avait signalé que lui et Boisvert étaient les poètes plus ou moins engagés au Festival. Mais quand-même, Préfontaine ne lit que des poèmes fourrés de phrases sur-travaillées. Il a l'air beaucoup trop sûr de lui. Il explique son nouveau recueil : « Il y a trois parties : être, aimer et tuer. » Que dire?
Presque tous les poètes lisent de la même manière… en murmurant ou susurrant. Je casse cette loi non écrite et par ce fait je dois froisser pas mal de poètes. Préfontaine était présent hier soir au Zénob et ne me dit rien, bien sûr, à l'égard de ma lecture… ben il me demande d'où je viens. Ils sont tous ou presque comme des automates… sameness oblige!
Je passe à la Maison de la culture pour la lecture de Boisvert. Mais je me trompe. C'est pas une lecture mais plutôt un atelier avec trois femmes âgées. Boisvert ne semble pas vouloir de ma présence sans le dire tout à fait. Donc je pars. Fuckit. Le soir, c'est des lectures à l'église anglicane. Ca se passe oké… rien d'excitant, mais pas mal. Que c'est paisible dans les églises quasiment vides ! Je lis plusieurs poèmes en anglais pour la première fois. Ils coulent bien. Après je m'achète un six de Bleue dans le dépanneur du coin rue La Violette… en bois plusieurs et bouffe un sac de chips puis, je sors pour mon rendez-vous 25 rue des Forges à Radio-Canada. Ca augure bien : il y a pas mal de bouteilles de rouge sur la table déjà vidées. Il y a une dizaine de poètes présents. Chacun d'entre nous a une limite de sept minutes de lecture. Boisvert entre avec coterie de jeunes groupies déjà pas mal ivres. Il porte un capuchon sur la tête et annonce en arrivant : « Mon nom est Gaétan Hart. » Pas mal, pas mal. Je lui dis tout de suite : « LE STEAK! » Il s'étonne que j'aie compris. Puis c'est son tour dans le studio sonorisé. Pas mal, pas mal. Il lit bien, lui. Moi, j'en profite du pinard. Un type nous donne chacun un pin R-C. Puis c'est mon tour vers minuit. Je lis un peu bourré mon fameux texte « Article 4. » Ils me félicitent après. L'un des types de Radio-Canada, Tony Tremblay, jeune poète cofondateur de la revue Exit, me dit : « Ben Tod, tu es la découverte du Festival cette année. » Ca me touche car la plupart des poètes n'oseraient jamais dire chose pareille à cause de la jalousie des poètes. Heureusement que Tony n'est pas encore infecté.
Jeanne est arrivée. Nous allons au Zénob, moi pas mal ivre vers une heure du matin. Puis, je lis un petit texte « Lauréats du Guinness » qu'un autre poète voulait que je lise. Mais tout d'abord, je lis la petite note me critiquant de ne pas être poète. « Ben vous voyez, quand on critique, t'es plus poète. C'est pas con ça? » Les spectateurs applaudissent.
6 octobre
Samedi. Gueule de bois. Il pleut. Je décide de sauter ma lecture au restau Le St-André n'ayant aucune envie de la faire… seulement un Argentin et le Luxembourgeois et sa femme modiste, qui n'aiment pas effectivement mon « Article 4 » son prévu comme co-lecteurs. Ben du moins mon absence les rendra tous les deux contents. Jeanne marche pendant que moi je tape ce journal dans la bibliothèque. « Fait plaisir » me dit le jeune bibliothécaire, très sympa. Je me sers de l'ordinateur pour envoyer des courriels, service gratis.
Jeanne et moi, nous faisons un petit tour à Montréal. Le temps est dégueulasse : pluie et rafales de vent. Nous achetons des bouquins d'occase. Je bouffe un sandwich et une soupe délicieux au Second Cup. Nous retournons sur Trois-Rivières vers quatre heures car j'ai une lecture au radio de l'Université du Québec.
Le studio est tout petit. Il y a cinq poètes. Après ma lecture, les deux poétesses montréalaises me félicitent amplement. En fait, ce poème « Article 4 » suscite toute une discussion. Evidemment, c'est de loin le poème qui marque ceux qui sont présents. L'une des poétesses, Claudine Bertrand, fondatrice d'une revue de femmes, Arcade, est impressionnée par le fait que j'ose critiquer le Festival en public. Elle me dit/demande : « C'est un manifeste!? » Je lui dis: « Ben, pourquoi pas? Oui en quelque sorte. J'ai dû choisir entre être courtois et être poète… et j'ai choisi poète. » L'autre poétesse, Denise Brassard, dit : « Bravo! » Je leur dis que le poète doit parfois être aussi kamikaze. Mais elles ne sont pas tout à fait d'accord. Quand-même kamikaze au nom de la vérité et la vérité à n'importe quel prix ! Ce qui est surprenant, c'est quand je lis un poème comme celui-là et les poètes le trouvent complètement anormal. Moi, je crois que ce poème-là, au contraire, devrait être très commun… mais c'est pas du tout le cas.
Au lieu de la Grande Soirée de poètes, Jeanne et moi, nous allons au cégep local où je suis le seul lecteur prévu au ciné club. Avant d'aller nous dînons au restau Le St-André. La bouffe est excellente… très fine, très délicieuse. Le patron-chef de cuisine est très sympa. Les poètes-lecteurs sont là et la présentatrice, après les avoir annoncés, dit : « Tod Slone, le grand poète des États-Unis est aussi là pour écouter. » Un peu trop quand-même. Je la remercie. Grand poète, moi? Ho ho ho…
Au cégep, j'entre dans la salle de cinéma et tout de suite entends une dame qui annonce : « Désolé, notre poète n'est pas là ce soir et on va mettre le film tout de suite. » Je hurle en courant vers elle : « ATTENDEZ! ATTENDEZ! LE POÈTE EST LA! » Tout le monde rigole. Devant les spectateurs et le micro, je dis : « Ben je ne sais pas quoi lire. Je vois une jeunesse dans la foule. Je ne peux pas donc lire ça. » Mais je trouve deux poèmes après pas mal de fouillage : « Pantoute niaiseux » et encore « Corbeau beau corbeau. » Ils aiment pas mal, probablement parce que c'est vite terminé. Puis, Jeanne et moi, nous avons droit à voir le film… quelque chose de doublé sur le Marquis de Sade. Pas mal, pas mal.
On rentre à l'hôtel tout de suite après le film. Je bois quelques bières puis fume un peu de dope qu'un type de Radio-Canada m'a filé comme petit cadeau. Nous décidons de ne pas aller au Zénob. La dope, je n'avais plus du tout l'habitude. Ca m'a mis un peu mal à l'aise. Je n'avais aucun désir de me confronter aux poètes dans cet état-là.
7 octobre
Dimanche. Dernier jour du Festival. Je découvre que des jeunes sont allés à la Grande Soirée des poètes pour tenter de lire leurs poèmes, mais es flics les ont mis dehors. Après tout, le Premier ministre Landry était présent. Tout de même c'est incroyable que les 35 poètes officiels et présents n'ont rien foutu en leur défense. Je n'y étais pas, donc je ne pourrais rien faire. C'est également dégueulasse que Le Nouvelliste n'a rien reporté là-dessus.
Au Zénob, Willey me demandent: « Où étais-tu hier soir? T'es pas venu au Zénob. Tout le monde voulait que tu lises. » Une jeunesse me demande si j'ai des poèmes en langue française car elle a regardé mon recueil au kiosque et c'était en anglais. Ca quand-même, c'est un autre compliment. Je lui dis, oui, que j'ai un paquet et je vends les poèmes à $5 la page. Elle rigole. Là je suis déjà un peu connu et seulement après une semaine. Puis un gros type ciselé au bar me dit à l'accent fortement tabarnaqué: « J'aime bien ce que tu fais. Je n'aime pas les fonctionnaires. C'est pourquoi j'aime bien ta poésie. » Je le remercie.
Un poète nationaliste devient-il trop ou tard poète de l'état, puis poète de politicard avec titre de lauréat discerné par les pouvoirs? Les poètes officiels produisent-ils de la poésie d'écolier bien qu'avec un peu plus de vocabulaire et plus de finesse mais sans doute avec un peu moins de vérité? Je me fatigue d'attendre mon tour. Boisvert a déjà lu un texte anti-USA et c'est cool… moi aussi je lis des textes anti-américains, mais lui est poète nationaliste subventionné par l'état pour qu'il ferme la gueule. Et il la ferme!
Je demande à l'animateur: « Quand c'est mon tour? J'ai quand-même mis mon nom sur ta liste assez tôt dans la soirée. » Il me dit: « Euh, après encore trois blocs de poètes. » Je lui dis: « Mais merde, je ne vais pas lire ! » Lui est tout content, le petit beau parleur barbichu. Puis, je dis à Jeanne qu'on parte si elle veut bien mais après que je vide ma bière. Une femme me demande: « Vous n'allez pas lire? Mais les jeunes t'aiment bien. » Je la remercie et m'approche de l'animateur et lui dis: « Je reste. Je vais attendre mon tour et je vais insulter les poètes. » Par cela je voulais dire lire des poèmes qui critiquent les poètes. Il me dit: « Non, je veux de la courtoisie ! Je suis le maître ici ! » Je lui dis: « Moi je choisis d'être poète et non pas d'être courtois. » Il me dit: « Dans ce cas, je t'interdis de lire ! » Ca me rend fou furieux. Chuis quand-même pas dangereux. Je m'approche du micro qui est libre. Je dis aux spectateurs dont la plupart poètes : « Ce connard d'animateur m'interdit de lire. Il m'a déclaré : JE SUIS LE MAITRE ICI ! Vous poètes, vous avez un maître ? Il m'a commandé d'exhiber de la courtoisie aux dépens de la poésie. J'ai quand-même refusé. »
A ce moment-là, plus ou moins, le maître coupe le son... c'est-à-dire qu'il me coupe la liberté de la parole tout simplement. On est quand-même dans un bar où on boit beaucoup et non pas dans un restau bourgeois tranquille. Je continue encore une dizaine de secondes, mais voyant bien que les poètes s'en foutent, je termine : « PARLER COURTOIS ou PARLER FRANC ? Qu'en dites-vous poètes ? »
Tristement, pas un seul poète ne me défend. Évidemment, ces poètes-là ont trop l'habitude d'avoir un maître. Jeanne et moi, nous allons vers la sortie. Puis, je vois Boisvert et lui demande ce qu'il pense à l'égard de cette coupure de la liberté de la parole. Mais il s'en fout. Je lui dis que c'est peut-être grand temps qu'il commence à critiquer ses maîtres à lui, les éditeurs et tous ceux qui le paient. L'un de ses groupies gueule : « HE OH ! CA SUFFIT ! » Elle n'aime pas que son idole soit exposé au public. Puis, je vois le président des Écrits des Forges, Bernard Pozier, et lui dis rapidement mes quatre vérités. Le lendemain je repère l'un de ses recueils au café Morgane et découvre que c'est son second tome consacré au hockey. Que c'est triste comme les moutons arrivent facilement à se faire publier ! Je lui ai dit dans la foule : « Maudits éditeurs ! Les éditeurs ne publient que de la marde ! » Il ne me répond pas et rigole un peu nerveusement… mais il va sûrement dire quelque chose à Bellemare le lendemain.
On voit bien ce que peut faire une maison d'édition friquée à une petite ville comme Trois-Rivières : 1. cela divise les poètes locaux et 2. cela à tendance à publier des vers courtois à la place de vers révoltés et engagés. C'est vrai que je suis furieux que les poètes acceptent si facilement les atteintes à la liberté de la parole. Dehors, je raconte ce qui s'est passeé à Rita et d'autres jeunes poètes non officiels. Ca leur choque mais ne leur surprend aucunement. Ben oui, j'ai été coléreux. Et alors ? On exhibe un peu d'émotion crue devant des poètes et ça constitue un crime ? Que je ne me comporte pas comme bon automate-poète-lecteur, ça me rend indésirable au Festival International de la Poésie ? Ben oui, Léo, comme tu as dit: « La poésie fout l'camp Villon! y'a qu'du néant sous du néon… »
Encore une fois, on m'attaque pour manque de courtoisie. Encore une fois, parler vérité pour ceux qui possèdent le pouvoir, c'est parler sans courtoisie. C'est la vieille histoire de business as usual. Les poètes de fonction sont des poètes fonctionnaires quand-même. De toute manière, j'ai bien démontré que la liberté de la parole au Festival dépend entièrement de la nature de la parole. Le suivant, c'est le texte préambule que j'avais préparé à l'hôtel et que j'allais lire :
George Orwell a écrit dans son essai « La Prévention de la littérature » qu' « il n'existe pas de littérature apolitique et surtout pas dans une époque comme la nôtre où les peurs, les haines et les loyautés de type directement politique sont tout près à la surface de la conscience de tout le monde. Même un seul tabou peut avoir un effet néfaste sur l'esprit, car il existe toujours le danger que n'importe quelle pensée qui sort librement peut mener à la pensée interdite. » Ca c'est Orwell. Pour la grande majorité des poètes ici au Festival, le tabou plus qu'évident c'est celui de critiquer le Complexe Industriel Académico-Littéraire qui comprend les maisons d'éditions, les éditeurs, les Festivals de poésie, les prix littéraires, etc. C'est ce complexe qui vous nourrit. Il faut que vous vous demandiez comment vos poèmes sont affectés par ce tabou. Mais mieux encore il faut que vous trouviez le courage une fois pour toutes de PARLER FRANC et ouvertement. C'est pas ça être poète? Moi, j'ai dû choisir l'autre soir ici au Zénob entre être courtois et être poète. Cela m'était un choix très difficile car Gaston et Maryse, les co-organisateurs du Festival, sont des gens très sympathiques et m'ont traité avec beaucoup d'hospitalité et de gentillesse. En plus, Gaston était là dans la salle. Bon Dieu, c'est la première fois de ma vie qu'on me paie pour lire de la poésie. Peut-être que vous, poètes, avez-vous déjà trop l'habitude. Mais moi, je n'en aurai jamais l'habitude. Je souhaite les remercier énormément. Mais j'ai dû quand-même choisir et j'ai choisi POETE. C'était plus fort que moi. Si choisir poète veut dire la fin d'invitations au Festival et publications de recueils: SOIT !
Qui es-tu poète ? C'est comme une mission de bombardement. Personne ne t'aime quand tu es le bombardier. La poésie est devenue complètement désamorcée. On achète les poètes pas très cher. C'est un Festival pour l'élite, a dit un jeune trifluvien. Poètes, qu'est-ce qui nous arrive pour qu'on permette un beau parleur d'animateur nous censurer et déclarer que lui c'est notre maître pour la soirée ? Qu'est-ce qu'il a dit Ferré ? « Ni dieu ni maître! » Tout ce que j'ai fait c'était de réagir contre le fait d'être censurer tout d'un coup. C'est mauvais ça? C'est pas être poète ça?
8 octobre
Lundi. Le Festival a pris fin. Moi, j'y suis toujours. Voici quelques vers mémorables :
« Tu es le seul meuble dans l'immeuble de l'éternité. »
« La vie ressemble à l'écriture. L'enfance est une parenthèse. »
« Les corps s'unissent en un seul rythme en un seul corps. »
« Toi, tu lis de ton dernier recueil? »
Jeanne et moi, nous faisons une promenade dans la rue des Ursulines et par la ville portuaire, puis elle quitte la ville pour rentrer laissant un vide. Que c'est froid aujourd'hui ! Que c'est morne ! Je regarde par la fenêtre à ce drapeau québécois bleu-blanc qui flotte. Le ciel est couvert mais partiellement bleu quand-même. Froid. Froid. Et le corne à brume. Et moi plein d'angoisse. Être poète et maudit n'est pas du tout facile. Dans l'hôtel, c'est tout d'un coup tranquille. Je bouffe un scone, bois du jus Oasis et attends encore une journée avant de pouvoir foutre le camp. Je suis prêt. Être poète et maudit, on ne s'y accoutume jamais. Je deviens bien paranoïaque après mon coup de colère. J'ai dit à Jeanne que ben peut-être ils vont me virer de l'hôtel et ne pas m'amener à l'aéroport.
Effectivement, je découvre par hasard par la femme de chambre que je dois partir. Je descends à la réception pour demander ce qui se passe car c'était quand-même prévu que je pars demain. Mais non, la réceptionniste me dit que le Festival ne me prend pas en charge. Je lui demande de vérifier cela auprès des patrons du Festival. Je monte et attends son coup de fil. Puis le coup de fil et elle me dit : « Désolé, monsieur, mais j'ai parlé avec Madame Baribeau et elle a dit que le Festival ne vous prenne pas en charge. » Je lui demande si je peux parler avec Madame Baribeau. Elle me dit que, oui. Je redescends pas mal angoissé. Qu'est-ce que je vais faire ? Filer avec tous mes bagages au terminus, prendre un autocar pour Montréal, prendre un taxi pour Dorval, puis dormir dans l'aéroport ? Merde… quelle merde ! C'est ben ça le prix de parler FRANC ?
J'entre dans le restau de l'hôtel et vois Baribeau, Bellemare et compagnie à table. Bellemare ne me regarde même pas. Évidemment, il n'est pas du tout content de moi. Mais sa conjointe me regarde et je lui demande si je peux lui parler. Ils sont là avec quelques poètes dont Alberto Nessi et un type africain, celui qui était là au Zénob droit devant moi quand j'ai plaidé pour la liberté de la parole. Lui s'en foutait.
Baribeau se lève et nous allons tous les deux dans le hall de la réception où nous nous asseyons dans deux fauteuils. Je lui demande tout simplement : « Qu'est-ce qui se passe? On me dit qu'il faut que je paie ou parte. C'est ça la liberté de la parole ? » Elle se fâche un peu : « Ben Tod, on t'a toujours dit que tu pourrais dire ce que tu voulais. » « Ben oui » je lui réponds « mais être puni pour avoir dit, c'est pas ça la liberté de la parole. » Elle me dit : « Mais on ne te punit pas. Gaston m'a dit que tu es parti hier avec ta blonde. Je lui ai dit, mais sans me dire au revoir ? » « Ben, quand-même chuis pas parti » lui dis-je. « Mais Tod, on peut pas payer les frais d'hôtel pour les poètes qui désirent rester une semaine après le Festival. » « Ben oui, d'accord » je lui dis, « mais c'est qu'un jour de plus que je reste. Il y a d'autres poètes qui restent aussi. Est-ce qu'ils vont payer eux-mêmes la nuit d'hôtel ? L'autre jour je t'ai dit que j'allais rester jusqu'aujourd'hui et tu m'as dit d'accord, pas de problème. » Elle me répond: « Oui, je me rappelle un peu maintenant. C'est vrai que je ne t'ai pas donné beaucoup d'attention. Je m'occupais de 40 poètes quand-même. » « Mais » je lui dis: « Tu m'as donné pas mal d'attention. C'est pas ça qui m'embête. Je me suis très bien amusé ici. Même ce qui s'est passé au Zénob hier soir ne va pas changer cela. »
« Qu'est-ce qui s'est passé au Zénob ? » elle me demande. « Je ne suis pas du tout au courant. » « Ben, l'animateur m'a interdit de lire ma poésie. » Il m'a dit : « Je suis le maître ! » « Ben oui, c'est vrai qu'il est le maître » me dit-elle. « Mais dire cela quand-même d'un ton autocratique. Bien sûr que j'étais pas un ange et que j'avais bu comme on boit au Zénob… et que j'ai dit que j'allais insulter les poètes… mais je voulais dire que j'allais les critiquer, pas réellement les insulter. Oui, j'ai prononcé des mots forts. C'est comme ça chez les poètes qui ont de la hargne dans l'âme. Et si je l'ai appelé connard après qu'il m'a interdit de lire, est-ce raison de ne plus m'inviter au Festival ? » Elle me dit : « Ben l'animateur aurait dû te parler quand-même en privé pour essayer de résoudre le problème. »
« Oui, chuis d'accord avec toi. Mais même l'autre jour le même type s'est moqué de moi en me traitant un peu comme clown. Pourquoi ? Parce que j'ai osé critiquer. C'est assez commun faire cela du moins pour les gens qui n'ont pas le courage de critiquer. Guy Marchamps m'a aussi traité de la même façon. Il m'a présenté comme Stud Slone… pour tenter de rendre tout mon discours comique sans doute. Oui ça m'a embêté un peu… son manque de maturité, mais comme je te dis, c'est banal. Il faut toujours se moquer de celui qui ose parler FRANC. C'est pas original. Marchamps manque du courage. Il veut bien parler en coulisses, mais jamais ouvertement. Pour cela je pense qu'il m'en veut et m'a traité comme il l'a fait. »
Baribeau me dit qu'elle compte avoir une réunion du personnel pour discuter de cela. Puis elle me dit que quelques spectateurs se sont plaint à mon égard. « Sans doute » lui dis-je. « Pourtant les poètes ne devront pas essayer de plaire à tout le monde. » Elle me rappelle la lecture au restau où j'ai raconté quand on a une pointe d'accent on te regarde comme si t'es complètement crétin. Oui, je me suis rappelé que les spectateurs québécois n'ont pas aimé tellement ce morceau de vérité universelle. Je lui dis que jamais je n'aurais des préjugés contre tout un groupe de personnes comme Québécois, Noirs ou qui que ce soit, que j'ai bien expliqué au même groupe de spectateurs que la même chose se passe dans n'importe quel pays. Mais en fait, je me demande s'il y avait des poètes d' « importance » qui se sont plaints aussi.
J'ai beau lui dire que j'étais quand-même sous l'impression que les spectateurs m'ont beaucoup aimé pour la plupart et que je ne savais toujours pas pourquoi Bellemare m'a invité. Elle me dit : « Écoute Tod, Gaston et moi, nous sommes des délinquants. » Que c'est bizarre comme terme et pour administrateurs de la poésie en plus ! Délinquants ? Finalement, elle me dit qu'elle me prendrait en charge et m'amènerait à l'aéroport… mais après m'avoir dit qu'elle devrait vérifier les finances et les horaires de mon avion pour voir si je lui ai informé d'avance que j'allais partir demain. Mais elle ne vérifie pas les finances. Elle aussi ne me parlait pas tout à fait FRANC. Pourquoi les gens éprouvent-elles tellement de difficultés de parler FRANC ? Pourquoi elle n'aurait pas tout simplement dit que ben oui on n'est pas très content de tes poèmes et qu'ici c'est pas pantoute plein de liberté de la parole ? Elle me fait la bise. Je lui fais la bise. C'est un close call quand-même !
La poétesse française, Jeanine Beaude, me laisse son recueil au comptoir de l'hôtel. Elle l'a signé et écrit quelque chose pas tout à fait lisible à propos de mon coup de « sainte colère dure » au Zénob. Je pense qu'elle m'a compris. Quand-même ça choque la plupart des poètes, ça les perturbe profondément… un homme coléreux en public !
Je me promène. Je suis debout devant la statue du Grand Dictateur, Maurice Duplessis, ses yeux noir foncé, en face du Zénob. « Coopération toujours, assimilation jamais. » Peut-être ben trop de coopération, Maurice ! Quelle odeur forte de bus au terminus. El Bandido, le cireur d'il y a deux ans, a été remplacé par Extrême Tatou. Où est-il allé, ce vieux type cireur rustique disparu à jamais dans les coulisses du néant ? Je demande à un type chevelu avec walkman où est El Bandido. Il me répond qu'il ne se rappelle pas cette boutique et me demande que veut dire bandido ?
Un silence glacial règne sur la ville maintenant que les poètes sont partis. Je regarde l'ancienne prison. Ben, ici c'est tellement tranquille maintenant, la vraie poésie, quoi ! Brises dans les arbres. Pancarte routière verte : des Ursulines. « Comme l'ombre, les jours s'en fuient » est inscrit en haut sur une face du monastère. Ben ça, c'est de la poésie ! Mouettes, mouettes, mouettes et une file d'oies canadiennes au ciel crépusculaire ! Nuages couleur saumon. Il fait encore un peu plus froid. Les feuilles d'érables rouges aux sommets des arbres bien que verts plus en bas.
Seul un poète ennuyeux, quelqu'un qui ne dérange aucunement, peut gagner le prix du Lauréat du Festival. Juan Goytisolo remarque avec clarté que « Sólo los que no aspiramos a premios, los que no concebimos la literatura como una carrera tenemos libertad de expresión. » Fuck la poésie ! Qui a écrit cela sur le poster du Festival ? Ben non, c'est pas moué, ça ! Je le jure ! Mais le type qui l'a fait n'est sûrement pas poète carriériste ennuyeux. Mouettes, mouettes, mouettes tour à tour dans le ciel à tour à tour. Un vent froid hivernal souffle sur ma face et je marche le long du quai long… au lointain le pont.
9 octobre
Nicollet, les nuages et les bouffées de fumée de la papeterie. Un frisson dans mon corps alors que le jour devient nuit.
Mardi. Dernier jour au Québec. Je serre la main à Bellemare et donne la bise à Baribeau, puis le chauffeur m'éloigne de Trois-Rivières. Dans la bagnole, il y a encore les deux poètes Alberto Nessi et le type africain dont le nom ne se figure pas sur la liste des poètes étrangers. Le chauffeur nous fait découvrir que la poétesse roumaine était consul roumain à Montréal. Il doit y avoir sûrement pas mal de conflit d'intérêt quand un poète est choisi d'être invité au Festival ! D'un côté, on aimerait sans doute faire des contacts politiques-fric à l'étranger, alors que de l'autre côté on voudrait le meilleur poète… on espère. (Faut demander aussi ce que ça veut dire meilleur poète-nombre de recueils, prix littéraires ? Mais dans ce cas, qui sont les juges qui jugent les juges qui jugent ?) Est-ce que le consul roumain, par exemple, est l'une des meilleures poétesses roumaines ou simplement une très bonne contacte ? Ben oui, il faut quand-même se poser ces questions ! Quels sont les critères pour inviter un poète au juste ? Top secret ? Un budget de 600,000$ pour ce Festival quand-même ! Wow ! Big business !
Le poète africain nous raconte, après avoir remarqué que j'étais le type hargneux au Zénob, que le jour avant mon coup de colère il y avait des jeunes poètes qui lisaient des poèmes de contestation. Il dit qu'il est retourné à l'hôtel tout de suite pour trouver un vieux poème critique qu'il a écrit dans sa jeunesse. Mais qu'est-ce qu'il écrit aujourd'hui sinon de la merde soporifique ? Ils n'ont pas de feu dans les boyaux, ces vieux poètes invités, casés si commodément dans la Machine littéraire comme rouages trop bien huilés. Comment être étonné par l'observation de l'un de ces vieux rouages mêmes, Réjean Bonenfant, que les poètes invités, « on le sait, ne s'écoutent même pas. »
Et moi, j'ai 53 berges, deux années de plus que ce vieil Africain ! « Cuanto más viejo, más radical » a dit José Luis Sampedro. Ben, oui ! Cet Africain devrait se demander ce qui lui est arrivé depuis sa jeunesse. Mais il plaisante sans cesse et éclate de rire. Qu'il lise Ken Saro-Wiwa ! Ben oui, il a deux femmes, et alors ? Mais je m'en fous de son activité sexuelle ! Qu'est-ce qu'il y a dans sa maudite tête quand-même ? Que c'est banal la conversation des poètes ! Ben, je garde la gueule fermée. Chuis archi-fatigué de me battre tout seul contre tous ces vendus. Traité de roi au début, puis de paria à la fin-en vrai poète maudit, quoi !-j'ai besoin de repos. Foque SPEAK WHITE ! SPEAK FRANC ! Oui, il faut que je me repose et retraverse la frontière sain et sauf, puis écrive une petite lettre à Bellemare et Baribeau pour les remercier, car le Festival était pour moi vraiment un moment mémorable. Tout de même une dernière citation est en ordre car Nikki Giovanni, poétesse noire-américaine, peut nous illuminer tous : « it never says 'accept me' for poems seek not/ acceptance but controversy/ if it does not inform then close/ off the brain for it is dead… »Tout d’abord, pardonnez, s’il vous plait, mon français.  Je n’ai pas de parents francophones et l’ai appris tard dans la vie en travaillant dur et en persistant.  C’est à souligner car quelques littérateurs québécois ont qualifié mon expression de « douteuse » afin de justifier sans doute leur refus absolu de discuter la polémique que j’ai osé lancer.   C’est maintenant à vous, poètes liseurs, de décider, oui ou non, si le fond de mon discours ne vaut effectivement pas la peine à cause de la forme qui l’enveloppe.  Ce qui suit c’est un j’accuse contre les poètes et éditeurs québécois connus, la plupart sinon tous, qui se sont vendus au Business de la poésie.  Pourquoi est-ce que j’ai osé rebeller, en tant que poète invité et bien rémunéré, contre le Festival International de la Poésie de Trois-Rivières et par conséquent contre le troupeau des 150 autres poètes invités, mes soi-disant confrères ?  C’est une question qui devrait intéresser aux poètes, surtout aux poètes québécois invités et réinvités d’année en année au Festival qui a lieu dans la capitale mondiale de la poésie.  Or, ces poètes-là ne s’y intéressent pas du tout et quand confrontés par la question deviennent franchement belliqueux.  Si ce n’est pas un simple pacte Faustin de quid pro quo—c’est-à-dire du troc de la liberté d’expression contre les cachets et publications—, pourquoi donc?              Ma rébellion a été provoquée non pas par la générosité des contribuables québécois qui m’ont payé les quelques 900 dollars de cachet pour les dix jours de ma présence, mais plutôt contre un certain nombre de faits et observations dérangeants dont l’interdiction du chef organisateur, Gaston Bellemare, de toute discussion autour de la poésie.  « Il n'y a ici aucun discours sur la poésie, seulement des lectures de poèmes. C'est ce que le public désire. Si cela te convient, alors je t'enverrai la lettre. »  Il faut quand-même se demander comment et pourquoi des poètes pourraient si facilement se plier devant une directive ayant pour but d’écraser la controverse et autrement de limiter la liberté d’expression qu’incarnent  prétendument les poètes eux-mêmes.  N’est-ce pas curieux ? 
Et qui au juste constitue « le public » que Bellemare et Cie cherchent à plaire sinon l’élite bourgeoise qui assiste aux diverses lectures pour la plupart dans des restaurants bourgeois ?  Et pourquoi la poésie doit-elle être écrite selon les goûts d’un soi-disant public ?  Ce qui fait peur c’est le fait que le Festival cherche à contrôler la nature même de la poésie.  De la peur ?  Oui, car Bellemare et Cie, c’est surtout une collusion entre hommes d’affaires et politiciens locaux.  Or, la poésie ne devrait jamais tomber sous le contrôle de qui que ce soit et surtout pas sous celui de marchands et politicards.  La poésie ne devrait non plus jamais être mesurée selon les retombées économiques qu’elle pourrait instiguer, indice souvent évoqué de Bellemare et Cie avec fierté.  Pourquoi donc les poètes connus au Québec ont choisi de se taire si ce n’est du fait qu’une telle politique les favorise individuellement ?  Quel effet est-ce que cela exerce sur la poésie en général ? 
Il va sans dire que d’autres faits du Festival m’ont également agacé.  Comme visiteur à Trois-Rivières, j’ai été perturbé par le fait que seul des morceaux de poèmes d’amour figuraient dans les plaques ancrées aux coins des rues de la ville.  Pourquoi n’y a-t-il aucun morceau de poème indépendantiste ?  Pourtant n’y a-t-il pas une grosse statue de Maurice Duplessis droit devant le Zénob, taverne là où les poètes peuvent se défouler, c’est-à-dire de proférer leurs quatre vérités sans risquer d’offusquer les clients bourgeois du Festival ?
Ainsi, pour contourner le règlement douteux qui défend toute discussion de la poésie à l’encontre de la liberté d’expression, raison d’être primaire de la poésie elle-même, j’ai pris la décision d’incorporer le discours dans un poème et de le lire droit devant le chef organisateur pendant une séance de lecture.  J’ai donc choisi la liberté d’expression au risque de mettre en colère le chef et de perturber le sommeil de son étable de poètes obéissants, ainsi que de mettre en doute toute invitation future au Festival et toute possibilité de publication de mes écrits controversés au Québec.  En fait, le suivant c’est le compte des maints essais que j’ai effectués pour me faire publier.  Et oui, malheureusement pour ce qui concerne le Festival International de la Poésie, Robert Lévesque écrit vrai : « il résiste à la critique. »  Et oui, on m’a coupé la parole, on m’a snobé, on a refusé de dialoguer, on ne m’a jamais plus réinvité, et on a décliné de me publier.  
Ainsi, une fois de retour aux Etats-Unis, j'ai commencé à envoyer des colis contenant mon journal, une vingtaine de poèmes et bandes dessinées composées autour du Festival, accompagnés d’une lettre défie, d'abord à Bellemare, Exit, Estuaire, Art Le Sabord, Editions de l'Hexagone, Planète rebelle, Lanctôt Editions, Moebius, Lettres québécoises, Caroline Monpetit et Odile Tremblay du Devoir, et L'Arcade.  La rédactrice en chef de cette dernière, Claudine Bertrand, m'a même félicité lors d’une lecture à la radio de l'université du Québec à Trois-Rivières.  Cependant, elle n’a même pas daigné de répondre à mon courrier.  Le suivant, c'est la lettre défie que j'ai envoyée un peu partout au Québec. 
Lettre défie à la poésie québécoise
Cher éditeur ou rédacteur en chef,
Puis-je vous intéresser à mon manuscrit inédit, Dialogue de sourds entre poète de salon et poète révolté ? Il contient un journal de 36 pages, une trentaine de poèmes et une dizaine de bandes dessinées très critiques, créés autour de mon expérience comme poète invité au Festival International de la Poésie de Trois-Rivières. En fait, parmi les 150 invités, j'ai été le poète de loin le plus controversé en étant le seul à oser dire ses quatre vérités à haute voix. Or, être poète n’est-ce pas cela ?  Malheureusement, de nos jours, ce n’est pas cela du tout.  Etre poète, c’est plutôt ne pas oser critiquer les mandarins de la poésie et réagir avec indignation devant toute personne qui le fait. 
J'ai déjà beau essayé de faire publier mes écrits polémiques dans les revues connectées aux poètes-gérants du Festival, y compris Estuaire, Exit, Lèvres urbaines et Art Le Sabord. En fait, est-ce qu'il existe des revues non connectées à ces gens-là au Québec ? La poésie au Québec est-elle devenue une affaire tout à fait cliquaire ?  N’y a-t-il pas toujours les mêmes poètes, petit cercle exclusif d'amis, qui figurent dans ces revues.   Il doit y avoir des poètes maudits et révoltés au Québec qui n'arrivent jamais à se faire publier.  Si l'on critique l'un ou plusieurs de ces poètes-gérants, n'est-ce pas foutu pour le poète qui les critique ?  Oui, il y a les poètes indépendantistes mais ils ne critiquent jamais la main littéraire qui les subventionne.  Dites-moi que j'ai tort. L'inceste ne produit jamais de la littérature impressionnante.  J'ai donc peur pour la poésie au Québec.  C'est l'université qui la contrôle sans doute ou directement ou indirectement.  C'est pareil ici aux States, sauf qu'il existe tout de même un réseau de petites revues non subventionnées bien qu'elles aient des moyens de distribution très restreints.  Moi, par exemple, je suis rédacteur en chef de The American Dissident.
Enfin, c'est fort possible que mes écrits ne vous intéressent pas car ils sont évidemment trop hors de la Norme, c'est-à-dire trop proche de la vérité. Vous vous direz probablement que la qualité n'est pas assez bonne ou quelque chose de pareil. Mais pouvez-vous vraiment renier la véracité inscrite dans mes poèmes et mon journal que je vous enverrai tout de suite si cela vous intéresse ? A propos de la littérature québécoise, elle m'a attiré énormément durant les trente dernières années… mais déjà nettement moins aujourd'hui. Eventuellement, juste pour voir si je pouvais susciter un brin d'intérêt de la part des littérateurs, j’ai également contacter à une quarantaine d'autres maisons d'éditions et de revues québécoises et autres, y compris L'interligne, Liaison, L'instant même, JCL, Écrits des Hautes-Terres, Boréal, Médiaspaul, Vents d'Ouest, Editions du Noroît, Septentrion, Varia, Revue Rivière (Université du Maine), Balzac-Le Griot Editions, Groupe Ville-Marie, Gallimard, L'Oie de Cravan, Flammarion Québec, Hurtubise, HMH Editions, Editions la liberté, Editions des Glanures, NR, Effet pourpres, Editions Humanitas, Editions Libre expression, Loup de gouttières, Lescop Editions, Editions Logique, Edition Perce-neige, Presses de l'université de Montréal, Presses de l'université d'Ottawa, Presses université de Trois-Rivières, Editions Tryptique, Editions Trois-Pistoles, Vermillon, Editions Vents d'ouest, Ville-Marie Littérature, Le Nouvelliste, DoubleChange, Quartier Libre, Quebecoislibre.org, Danforth Review(Toronto), Poesie-quebecoise.org, Les Editions Traits-Union, Cité ouverte, Festival littéraire Northrop Frye (Moncton), Festival Littéraire Métropolis Bleu (Montréal), Edgewise Cafe, Literary Traveler.com, L'actualité (Robert Lévesque), Les Éditions des Intouchables, Capilano Review, Nuit Blanche, Rencontre québécoise internationale des écrivains (Jean Royer), et Le valet de cœur (valet.com).
Heureusement, j'ai eu une belle carte de Christine Germain de Radio-Canada qui, peut-être, se sentait un peu coupable de ne pas avoir rien dit le soir au Zénob quand on m'a coupé la parole—peut-être ou peut-être pas du fait que les Québécois, comme les Américains d'ailleurs, semblent éprouver pas mal de difficultés quand il s'agit d'agir seul et bien à part du troupeau ensommeillé. 
Important pour moi de te dire que je ne suis absolument pas d'accord avec l'attitude du Festival de Poésie, le dernier jour a 3rivieres. A la limite, ils ont répondu dans les cordes de ce que ton discours pointait : muselage de poésie, de paroles, de prise de position. C'est ridicule a souhait. So stupid ! Je crois d'une certaine façon qu'il y a aussi muselage de public : infantilisation. Un public est majeur et vacciné, il est en mesure de réagir par lui-même lorsqu'on l'interpelle. Bref, très heureuse d'avoir croise ton chemin. Merci pour Albatros. Christine m'a renseigné dans un prochain courrier qu'elle a fait suivre le paquet incluant mes poèmes à d'autres gens.
J'ai évidemment fait circuler le tout, à Tony Tremblay, à Jean-Sébastien Larouche, etc..et bien sûr à Michel Garneau avec qui je réalise l'émission "Les Décrocheurs... d'Étoiles" (La présence de Tony à Trois-Rivières étant exceptionnelle). Michel a adoré tes poèmes, et je suis convaincue qu'il concocte une lecture, bientôt pour l'émission. […] J'ai d'ailleurs fait parvenir tes textes à Jack Drill (Steak Haché), qui va donc peut-être entrer en contact avec toi par e-mail. Puis Jack Drill, rédacteur en chef de Steak Hachée, revue fondée par Denis Vanier, m'a effectivement écrit. A l’encontre de quasiment toutes les revues littéraires québécoises, Steak ne reçoit pas de subsides de l’état.
Mon contact à Radio-Canada, Christine Germain, me transmet votre journal du récent Festival de Trois-Rivières que je découvre, si réaliste en le lisant, que je m'y suis senti transporté sur place. N'ayant jamais été moi-même à ce haut lieu de poésie, je ne peux qu'apprécier votre chronique, du moins aussi bien que tous les autres ouï-dire que j'ai pu entendre via le téléphone arabe. Au Steak Haché (carnet mensuel de santé littéraire et graphique de la rue Ontario), nous pourrions publier dans le prochain no, à paraître jeudi prochain, le 29 novembre (no 43), un de vos poèmes; celui qui parle de la soirée du 7 octobre (jour où les É.U. ont commencé le bombardement afghan) où on vous a coupé le micro, intitulé « La Liberté de la parole, mon tabarnak ! » et l'illustration « Le Silence des poètes » signé P. Maudit. Le mois prochain et les mois subséquents, nous pourrions répéter d'un poème + une illustration à chaque parution. À défaut de pouvoir publier votre journal in-extenso, ce qui nécessiterait un découpage sur plusieurs mois à cause de notre format et du grand nombre de collaborateurs, Renaud Germain, jeune frère de notre Ste-Christine-de-Suède, nous soumet un abrégé tenant sur une seule page de votre journal du 28 septembre au 9 octobre. Nous pourrions le publier sous ce format avec votre consentement. Qu'en pensez-vous ? De plus, Réjean Bonenfant (Soirs rouges) m'a contacté pour me redemander un texte inédit.  Je lui ai donc envoyé mon manuscrit.  Puis le dialogue de sourds entre lui, salonard, et moi, poète révolté, s'est entamé par courriel et a duré quelques mois.  Bonenfant n’était pas du tout content par mes écrits car en toute évidence ces derniers lui ont ciblé bien qu’indirectement.  Quant à Yves Boisvert, je n'ai jamais reçu le texte qu’il m’a promis pour lors du Festival.  Bellemare et Cie ne m’ont jamais répondu non plus.  Victor Lévy Beaulieu des Editions Trois-Pistoles a exprimé de la curiosité.   « Je suis éminemment intéressé à vous lire. Faites-moi vite parvenir vos manuscrits le plus rapidement possible. »  Je lui ai donc envoyé le manuscrit, mais VLB ne m’a jamais répondu.  Il s’attendait à quoi, Monsieur VLB ?  En principe, les réponses reçues étaient très brèves, bien sûr toutes cordiales, mais toutes, sauf celle de VLB, entièrement incurieuses.  A titre d’exemple, l'éditrice Louise Loiselle des éditions Flammarion a écrit :  « Merci d'avoir pensé à nous, mais malheureusement les projets que vous nous soumettez ne cadrent pas avec nos choix éditoriaux actuels. »  L'éditrice Anne-Marie Alonzo des éditions Trois dans son beau style d'écrivain vedette m’a répondu ainsi : « les éctits [sic] ont des ententes spéciales. faites affaires avec eux. »  Et voici la réponse de Johanne Bélanger, rédactrice en chef d’Art le Sabord :
Bonjour, Je reprend [sic] un courrier daté de l'automne dernier envoyé après votre passage au Festival de poésie de Trois-Rivières.  J'ai lu votre texte avec intérêt.  Des poètes vous ont touché, des lectures vous ont déplu, enfin, bref! Votre texte ne peut entrer actuellement dans nos numéros dont les thématiques de l'année sont les 4 éléments: eau, terre, feu, air.  C'est avec plaisir que je recevrai toujours vos mots. Comment ne pas répondre à cette rédactrice si à l'aise dans le ventre commode du Business de la poésie ?
Cher Johanne Bélanger,
Au contraire, mes textes tombent bien dans votre chère thématique de l'année.  Peut-être qu'il ne s'agit de l'eau, ni de l'air chaud, mais sans doute du FEU, et non pas de la tiédeur genre bain-marie court bouillon archi-déjà vu que vous allez sûrement publier sous le thème FEU. Que c'est triste, mais pas du tout surprenant, qu'une revue fermée sinon renfermée se baptise Le Sabord qui signifie ouverture ! De toute manière, je ne m'attendais pas à grand-chose de votre part car vous faites certainement partie intégrale de la machine littéraire corrompue et crochue.  Et en toute évidence, vous en êtes tout contente d'en faire partie.  A cause de vous et d'autres comme vous, qui choisissent la route du piston, de la subvention, des prix littéraires décernés aux amis par les amis, et du béni-oui-oui général, la littérature au Québec devient de plus en plus incestueuse, ennuyeuse et lieu commun… comme ici aux States d'ailleurs. Vous rejetez comme réflexe automatique toute critique venant de l'extérieur, c'est-à-dire de celle qui n'est pas connectée à vous ni à vos « copains littéraires. »  Evidemment, mon propos ne vous sera pas du tout compréhensible car vous faites partie de la mondialisation de la banalité littéraire et de l'aveuglement idéologique. C'est avec plaisir que je recevrai toujours vos mots… Quant aux éditions Le Noroît, le message éditorial affiché sur son site Web m'a bien attiré l'attention. 
[…] Nous tenons ce pari de donner voix au poème, ce fragile édifice de langage qui, par essence, interroge, doute, prend le risque de sa vulnérabilité et cherche à ouvrir de nouvelles avenues à la parole. […] La poésie est un acte de résistance contre le prêt-à-penser, contre le bruit d'une société de distractions soucieuse d'uniformiser et de quantifier, plutôt que de singulariser et de qualifier. Et sans doute faudra-t-il conserver cet état de vigilance pour opposer cet objet tout simple et dépouillé d'artifices qu'est le livre. […] Cependant, cette maison n’a pas manifesté aucune curiosité non plus, car malgré les beaux mots elle fait sans doute partie de l'establishment littéraire.  Il serait intéressant d'examiner une douzaine de livres qu'elle publie juste pour voir s'ils correspondent même juste un peu aux beaux mots affichés.  Il est vrai que j’ai osé critiquer dans ma lettre quelques-uns de ses chers poulains, lesquels ont manifesté un comportement contraire aux beaux mots.
Par hasard en regardant un exemplaire de EXIT, j’ai découvert que la directrice, c’était Denise Brassard, celle avec qui j'ai lu des textes pendant cette séance de la radio de l'université du Québec.  Je lui ai donc écrit une lettre pas trop dure, mais non plus pas trop molle, mentionnant que j'ai déjà envoyé des poèmes à EXIT bien qu’adressés à Tony Tremblay qui m’a éventuellement écrit après avoir lu mon journal du Festival sur Internet. 
Mais mon cher Tod,
Tu ne m’as jamais fait parvenir de textes ou du moins j’en ai jamais reçus.  Je n’ai que lu les textes et le journal que tu as fait parvenir à Christine.  Et quand bien même j’en aurais eus, je ne suis plus impliqué dans aucune structure de décision en littérature depuis presque deux ans.  Particulièrement Exit, dont je me suis retiré totalement pour des raisons plus qu’évidentes.  Je me suis retiré de toutes ces conneries à peu près pour les mêmes raisons qui t’ont poussé à critiquer vertement le milieu d’ici.  Je me suis rendu compte qu’il n’y avait pas plus d’issues dans le sens de l’officialité du milieu littéraire que dans la contestation a tout prix.  Les deux orientations ont leurs mandarins, leurs réseaux, leurs tapes sur l’épaule.  Face à tout ça, je préfère m’occuper de mes petits et agir comme je l’entends sans nuire a quiconque.  Je n’ai pas envie de nuire à personne, mais je n’ai pas envie qu’on me nuise non plus.  En ce sens, si tu veux critiquer, critique ; mais ne profère pas de faussetés.  C’est tout ce que je te demande.  Et sache que malgré le fait que n’ayions pas vraiment eu le temps de parler beaucoup ensemble à Trois-Rivières l’automne dernier, et malgré bien d’autres choses, je tiens quand même G. Tod Slone pour un poète et un homme de valeur dans notre monde de merde.  Personnage rare ce cher Tod, et je t’apprécie justement pour ce que tu es :  un véritable dissident. Il va sans soi que j’ai remercié à Tony pour m’avoir corrigé.  Cependant, j’ai dû lui souligner que sa prise de position désengagée, bon gré mal gré, sert le Business de la poésie.   « Si on ne se bat pas contre… on est forcément pour… il n'y a pas un entre les deux.  C'est assez simple. »  Quant à Brassard, elle m’a répondu neuf mois après avoir reçu le courrier adressé à Tony.  Elle m'avait félicité royalement lors de ma lecture à la radio, mais au contrarie de Tony, elle a tout à fait changé d'avis depuis car tout à fait indignée par ma critique du Business de la poésie dont elle fait en toute évidence partie intégrale.   « Un mot sur la lettre qui accompagnait tes textes et que je trouve choquante. »  Pas mal cela : « choquante » !  Et Rimbaud, lui choque aussi la dame ?  Oh, ben non, lui quand-même est accepté maintenant par la haute, n'est-ce pas ?  Voici le texte choquant que je lui ai envoyé.  
On s'est rencontré à une lecture à la radio (univ. du Québec à Trois-Rivières) octobre dernier. Tu semblais bien aimer les textes que j'y ai lus (très critiques du Festival et de la Machine littéraire). Oh, tu t’en souviens, j'en suis sûr.  En fait, j'ai une photo de toi en pleine rigolade.  Mais en fin de compte, je pense que tu es carrément lâche ou que tu n'aimais pas du tout mes textes, donc hypocrite.  Je t'en ai envoyé novembre dernier… et pas un mot, le silence total.  Etre poète, c’est cela ?  As-tu peur de publier des textes qui critiquent la connerie, l'hypocrisie, et les mensonges du monde poète, de ton monde?  Ton silence, apparemment c'est assez typique chez les poètes connus, gueules fermées de chez toi (et ben oui de chez moi aussi).  Il y avait Tony Tremblay qui m'a félicité puis le silence.  Il y avait Yves Boisvert, puis le silence. Il y avait Claudine Bertrand de l'Arcade, puis le silence.  En fin de compte, vous tous me dégoûtez non seulement comme poètes mais comme êtres humains.  Vous formez une petite clique incestueuse et moutonnière.  Oh, ben oui, vous publiez des poètes étrangers mais des poètes autruches qui n'osent pas regarder ce qui les entourent comme vous d'ailleurs.  Vous êtes comme des écoliers, vous écrivez de la poésie écolière.  C'est bien pour cela que l'Etat vous aime tellement et veut bien vous accorder subvention après subvention après subvention. Penses-y si tu es capable... Brassard me contre-attaque du point de vue de la qualité du français de mes poèmes, argument pas très original car il permet de ne pas adresser le contenu pertinent dans les textes.   « S'ils ont été refusés, ce n'est pas en raison de leur contenu idéologique, ni à cause de leur charge critique, mais bien en raison de leur qualité littéraire. … La colère et la rage peuvent servir de source d'inspiration mais ça suffit pas à faire des poèmes.  »  D’accord, mais c’est pareil pour le calme automate, le positivisme, la syntaxe dictée par universitaires archi-embourgeoisés et l’autosatisfaction à l’excès.  Comme si les vers si peu originaux et tellement plattes écrivaillés par Brassard constituaient de la poésie !  Je lui ai répondu :
Montre-moi un seul poème que t'as publié dans ton EXIT contenant une critique pareille. C'est pas moi qui suis en colère, ma chère, c'est toi ! Regarde ta face dans la glace après lecture de cette missive. Tu vois, toute critique vis à vis de ta clique, c'est colère, rage, pas assez littéraire ou pas pantout poème. Tu comprends ? Tu penses me blesser vis à vis de mon niveau de français.  Mais ça ne marche pas.  Cherche un exemplaire du Québécois, journal indépendantiste (mois de juillet) ! Eux n'ont pas trouvé de problèmes vis à vis de mon français.  Mais vous autres, bien sûr !  J'aime le québécois comme variété linguistique, tu sais.  Je me sers de vos mots et toi, tu as probablement honte de la langue de tes propres ancêtres.  Quelle tristesse !  Manque de lucidité, trop de colère ou quoi que ce soit, c’est toujours pareil quand on critique le Business de la poésie !  Enfin, j’ai demandé à Brassard de me montrer toutes les fautes criardes de français qui rendaient mes textes inintelligibles.  Or, elle ne m’a plus jamais répondu.  Le poète Mathieu Sévigny qui a examiné mon site sur Internet m’a envoyé un courriel pour me dire, entre autres, qu’il a eu semblable affaire avec le Business et Brassard. 
[…] Je tiens simplement à vous remercier pour votre article « Carcasses Ubiquistes, » qui m'a permis de constater que je ne suis pas seul au Québec à me buter au "marché de la poésie", cette grotesque industrie cliquaire de mots baillonés par un groupuscule d'individus en total contrôle de ce qui est "beau et bon à entendre" et ce qui doit "fermer sa gueule".  J'ai soumis au printemps 2002 quatre textes à la revue Exit, une des vicieuses tentacules de la clique. Quatre mois plus tard, j'ai reçu une belle lettre signée de madame Brassard elle-même, m'annonçant évidemment que mes poèmes avaient été refusés par le Comité de lecture. Ça me va! Je m'en doutais, ces poèmes n'étaient pas mes meilleurs. Ce qui me dérange, c'est de me faire dire par Mme Brassard et ses copains, et je cite: "La poésie de type urbain, si elle n'est pas en soi inintéressante, a souvent le défaut de ses qualités: tablant sur l'audace et la spontanéité du propos, et donc souvent sur une certaine révolte, elle devient souvent ou criarde ou hargneuse. À notre avis, vous n'évitez pas toujours ces pièges qui malheureusement ont pour effet de réduire substantiellement l'effet poétique d'images par ailleurs belles et sensibles." Alors expliquez-moi quelqu'un! […] C’est intéressant que Jack Drill m’a renseigné dans un courrier qu'un certain Martin Pouliot l'avait accusé lors du Salon de la Bibliophilie contemporaine de publier « de l'marde », c'est-à-dire des mensonges, et Pouliot me nomme en particulier, ainsi que mon journal du Festival sur Internet.  Pouliot m’a reproché d'avoir tout fait pour que Bellemare me renvoie.  Mais tout faire, cela veut dire quoi au juste ?  Cela veut dire tout simplement que j'ai osé m'exprimer honnêtement au public.  Après tout, je suis poète et non pas courtisane.  N’est-ce pas toujours pareil chez les plumitifs de l'establishment d'accuser ceux qui osent les critiquer d'avoir commis toutes sortes de calomnies et de mensonges… et sans jamais préciser, sans jamais disputer de façon logique et claire les soi-disant mensonges ?  Tout ce qu'ils arrivent à faire c'est de lancer des épithètes.  Aux Etats-Unis c'est évidemment pareil.  Or, la capitale de la poésie ne s'y trouve pas !  Elle se trouve à Trois-Rivières.  C'est la raison pour laquelle j’ai décidé de dénoncer la corruption intellectuelle qui coule de la Mauricie.  D'ailleurs je critique tant les States que cela me donne plaisir de pouvoir diriger ma critique ailleurs pour une fois.
Pour Le Couac, aucun intérêt non plus.  Oui, j'ai osé accuser des poètes indépendantistes de manquer le courage pour critiquer le Business de la poésie.  Raymond Lévesque, qui a écrit des vers superbes (voir « Les Porcs », « Le Pouvoir », « Folie », « La Vie volée », etc.), lui a osé critiquer des indépendantistes… et on le déteste pour l'avoir fait.  Et combien de poètes se cachent derrière et surtout en profitent de leur appartenance à ce mouvement ?  Et quelle corruption on peut facilement cacher derrière la bannière !  Il est plus qu'évident que le Festival de Trois-Rivières en se déclarant tout à fait neutre n’est qu’une manifestation tout à fait anti-indépendantiste.  Pourquoi donc des poètes indépendantistes comme Yves Préfontaine, Guy Marchamps et Yves Bosivert y participent sans rien dire, sans rien dénoncer ?  Tenez, voici vos chèques… et n'oubliez pas de porter vos muselières !
Pour ce qui concerne Le Mouton Noir, le rédacteur en chef Michel Vézina a semblé pas mal intéressé dans mon j'accuse vis à vis du refus absolu de la presse québécoise de publier même un petit mot de contestation. 
Je viens de parcourir votre texte. Très intéressant. La date de tombée pour le prochain numéro étant le 12 août, votre texte sera transmis au comité de rédaction le lendemain. Le comité prend ses décisions en fonction d'un série de critères divers.  À mon avis, votre texte mérite d'être considéré avec toute l'attention qui lui est du.  Ceci dit, me permettez-vous de réviser la syntaxe de votre texte?  Soyez assuré que je vous soumettrai toute proposition de modification avant publication.  Merci de l'intérêt que vous portez au Mouton Noir.  Pas mal... puis le silence absolu.  Vézina refuse de répondre à mes courriels.  A-t-il parlé avec M. VLB ?  Qui sait ?  Puis des mois et des mois plus tard, un petit mot de la part du nouveau rédacteur en chef, Pierre Landry, m’est enfin arrivé.   Evidemment, lui n’est pas du tout intéressé. 
Les textes que vous aviez fait parvenir à M. Vézina pour fins de publication dans le Mouton NOIR ne me semblaient plus pertinents compte tenu des délais encourus depuis les événements en question.  Après tant d’échecs, une lueur d’espoir m’est arrivée par Jean-François Poupart. 
Nous avons lu vos textes avec beaucoup d'intérêt. Il y a une place pour vous à Poètes de brousse (Editions les Intouchables) pour une éventuelle publication, si ça ne vous dérange pas de faire partie d'une collection bannie du Festival intergalactique... euh, pardon, du Festival de Trois-Rivières. Or, éventuellement, Poupart rompt avec Les Intouchables pour faire cavalier seul avec ses Poètes de brousse.  Puis rien du tout.  Quant à Patrick Bourgeois, rédacteur en chef du Québécois, journal mensuel indépendantiste, lui a du moins publié un essai que j’ai écrit sur le Festival en tant que manifestation fédéraliste, ainsi que l’un de mes poèmes critique des icônes québécoises, «Poème anarchiste numéro 1837 pour vous faire réfléchir… et peut-être vous faire chier car contre toute orthodoxie qui rend amblyope et doit tôt ou tard avoir recours aux mensonges et hypocrisies. »   Puis, je me suis disputé avec Bourgeois car lui s’est fâchée irrationnellement quand je lui ai demandé poliment de m’envoyer un petit exemplaire du numéro où a paru mon poème. 
            De L’Inconvénient, revue littéraire d’essais et de créations, j’ai reçu une réponse devenue typique de ceux qui n’aiment pas du tout qu’on leur critique.   Que c’est bien d’avoir l’argent pour se payer une secrétaire de rédaction !
Monsieur,
J’ai le regret de vous annoncer que le Comite de lecture de la revuew,l [sic] qui s’est réuni récemment, n’a pas retenu pour publication les poèmes et BD que vous avez envoyés.  Nous vous remercions néanmoins de l’intérêt que vous portez a notre revue et vous prions d’agréer l’expression de nos meilleurs sentiments. 
Isabelle Daunais, Secrétaire de rédaction.  En conclusion, cela m'est devenu plus qu'évident que le défi lancé à Bellemare et Cie n'a été relevé que du fait du reniement classique (« Tod, tu peux dire ce que tu veux ! ») et/ou d'accusations croissantes—non pas des poètes connus et vendus mais plutôt des jeunes révoltés inconnus et non invités—que le Festival International de la Poésie de Trois-Rivières n'est ni démocratique ni représentatif du monde québécois de la poésie.  Il faut souligner que le Festival restera une vision fortement édulcorée de la poésie jusqu'à ce que la liberté de la parole soit non seulement respectée mais également encouragée, et que les poètes invités retrouvent le courage de parler franchement, aux dépens de la courtoisie si besoin, et de reconnaître leur vrai devoir en tant que poètes, c'est-à-dire non pas d'essayer de se faire publier ou inviter un maximum de fois ou de produire des textes comme des petits castors hyperactifs, mais plutôt de décrier le mensonge, l'hypocrisie et l'injustice là où ils se trouvent et non pas seulement aux Etats-Unis mais également au Québec et à l'égard du Business de la poésie. 
Du reste, il est grand temps que les poètes cessent de s'excuser si facilement de leur devoir en déclarant comme l'a fait Christine Germain, par exemple, quand je lui ai révélé ma correspondance avec le Sous-Chef littéraire Bonenfant : « Bref, entre les lignes tout ce que je peux te dire c'est que je me tiens loin de toutes les magouilles littéraires... ça m'a toujours profondément emmerdée. »  Sans doute elle se tient loin de toutes les « magouilles » culturelles et éducationnelles aussi comme tout autre poète qui souhaite à tout prix s'entendre bien avec les mandarins du Business académico-littéraire.  Que c’est facile  de repousser l'engagement par le simple emploi d'un euphémisme comme « magouilles » !  En bref, on s'engage quand on est poète vendu seulement là où la cohorte décide de s'engager.  Mais qui donne l'ordre que le troupeau se réveille ?
Le poète doit être par-dessus tout partisan et porte-parole de la vérité à n'importe quel prix, même au prix de l'ostracisme littéraire ! Si un poète refuse ce rôle, comme le font d’habitude les 150 poètes invités au Festival, il n'est pas poète mais seulement écrivain-vendeur de vers.  Si les marchands et politiciens continuent à avoir mainmise sur la poésie comme ils semblent avoir à Trois-Rivières, la poésie deviendra de plus en plus ennuyeuse, anodine, douceâtre et autrement apte à produire, à part les effets soporifiques à la Prozac, des retombées économiques.  C'est d’une grande tristesse quand la poésie égale piasses à faire. C'est la perversion complète du genre !  Enfin, désigner le Festival de Trois-Rivières comme « International » en invitant une poignée de poètes étrangers tout à fait obéissants, auto-muselants, et essentiellement vendus, ainsi d'inclure un petit discours du chef du P.E.N. club ne rajoutent qu'à la farce.  Si Robert Lévesque ne « voit » pas de critique des Festivals, c’est plus qu’évident du fait que les journaux et revues littéraires refusent d’en publier.  « La poésie fout l'camp Villon ! y'a qu' du néant sous du néon » a-t-il écrit Léo Ferré.  Lui avait raison.